Si, dans une entreprise, deux procédures de licenciement pour motif économique se succèdent dans le temps, des salariés licenciés dans le cadre d’un petit licenciement pour motif économique, peuvent-ils revendiquer, au nom du principe d’égalité de traitement, une indemnisation au titre des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mis en œuvre dans la seconde procédure de licenciement et dont ils ont été privés ?
Dans un arrêt du 26 juin 2024, la Cour de cassation répond par l’affirmative à cette question. En effet, elle précise que si le salarié ne peut pas bénéficier du PSE conclu après la rupture de son contrat de travail, il peut, en revanche, demander réparation s’il a été privé du bénéfice de ce plan en raison des conditions de son licenciement.
Dans l’affaire en cause, une entreprise met en œuvre successivement deux procédures de licenciement pour motif économique. La première procédure, mise en œuvre le 28 février 2019, concerne deux salariés. La seconde, mise en œuvre moins d’un mois après (le 25 mars 2019), concerne une trentaine de salariés et s’accompagne d’un PSE.
Estimant avoir été injustement privé des dispositions du PSE et de son indemnité supra légale, un des deux salariés licenciés le 15 avril 2019 dans le cadre de la première procédure (après avoir adhéré à un congé de reclassement) saisit le conseil de prud’hommes afin d’obtenir, notamment, une indemnisation fondée sur une rupture d’égalité de traitement avec les salariés ayant bénéficié du PSE.
La cour d’appel lui donne gain de cause.
L’entreprise conteste cette décision. Elle soutient que selon l’article L.1233-61 du code du travail, l’employeur doit établir et mettre en œuvre un PSE lorsque le projet de licenciement concerne au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours. Cette période de 30 jours s’apprécie à compter de la présentation du projet de licenciement au CSE. Toutefois, la présentation d’un nouveau projet de licenciement économique moins de 30 jours après l’achèvement de la procédure de consultation sur un premier projet de licenciement économique n’implique pas de réitérer la procédure de consultation achevée, ni d’intégrer les licenciements résultant du premier projet à la seconde procédure donnant lieu à l’élaboration d’un PSE. Elle estime, dès lors, qu’elle n’était pas tenue d’intégrer les deux licenciements dans le projet de licenciement collectif accompagné d’un PSE.
La Cour de cassation écarte l’argumentation de l’employeur et approuve la cour d’appel d’avoir accordé au salarié des dommages-intérêts pour violation du principe d’égalité de traitement.
Si elle rappelle qu’un PSE ne peut pas s’appliquer à un salarié dont le contrat a été rompu avant son adoption, elle prend, toutefois, le soin de préciser que si le salarié a été privé du bénéfice de ce PSE, en raison des conditions de son licenciement, il peut en demander la réparation.
Elle valide le raisonnement de la cour d’appel qui, pour conclure à une situation identique entre les salariés, relevé que les deux projets de licenciement ont été successivement présentés à moins de 30 jours d’intervalle et que les salariés étaient dans la même situation eu égard aux mêmes difficultés économiques invoquées par l’entreprise.
C’est donc à juste titre, selon elle, que les juges d’appel ont pu en déduire que le salarié visé par le premier projet de licenciement avait été injustement privé du bénéfice du PSE, et notamment de l’indemnité de licenciement supra-légale dont avaient bénéficié ses collègues dont l’ancienneté était équivalente à la sienne.
Autrement dit, lorsqu’une entreprise enchaîne deux procédures de licenciement sur une période de moins de 30 jours, il convient de retenir les règles suivantes :
les salariés concernés par le petit licenciement économique ne peuvent se voir appliquer le PSE prévu pour le grand licenciement économique ;
en revanche, s’ils se trouvent dans une situation identique, ils peuvent revendiquer, sur la base du principe d’égalité de traitement, une indemnisation au titre des mesures du PSE dont ils ont été injustement privés.
Cet arrêt confirme que les entreprises doivent se montrer vigilantes lorsqu’elles envisagent des licenciements pour motif économique successifs dans un court laps de temps.
► Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation se prononce sur l’égalité de traitement en matière de licenciements pour motif économique successifs. Elle a ainsi considéré que les salariés licenciés dans le cadre d’un premier plan ne pouvaient réclamer les avantages plus favorables dont ont bénéficier des salariés dans le cadre d’un second PSE élaboré postérieurement à une procédure de licenciement distincte. Les salariés n’étant pas dans ce cas placé dans une situation distincte (arrêts du 29 juin 2017, n° 16-12.007 et n° 15-21.008).