Née de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, l’action de groupe peut être exercée lorsque plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent un dommage causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles.
Cette action peut être exercée en vue de la cessation du manquement mentionné ci-dessus, ou de l’engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices subis, ou à ces deux fins.
À l’occasion d’un litige relatif à la discrimination syndicale de salariés titulaires d’un mandat CGT (évolution de carrière et rémunération), la Fédération des travailleurs de la métallurgie FTM-CGT et la CGT posent une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
« Les dispositions de l’article 92, II, de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et en particulier, au principe d’égalité des justiciables devant la loi en ce qu’elles excluent, par principe, les seules actions de groupe en matière de discrimination du bénéfice du principe selon lequel une loi de procédure est immédiatement applicable aux faits antérieurs à son entrée en vigueur au contraire des actions de groupe en matière de santé publique, de données personnelles et de consommation ? ».
En d’autres termes, les syndicats demandent si les dispositions prévoyant que seule l’action de groupe en matière de discrimination est exclue du bénéfice d’application immédiate de la loi à des faits antérieurs, sont constitutionnelles ?
La Cour de cassation décide de renvoyer la QPC devant le Conseil constitutionnel.
Droit fondamental à valeur constitutionnelle reconnu à tout salarié, le droit de grève est particulièrement protégé par le code du travail. Lorsqu’un mouvement collectif se déclenche, l’employeur ne peut licencier un salarié gréviste qu’en cas de faute lourde. À défaut, le licenciement prononcé encourt la nullité, conformément à l’article L. 2511-1 du code du travail. Soucieuse de préserver ce droit, la jurisprudence entend largement la protection du salarié gréviste. Ainsi la nullité du licenciement prévue s’étend à tout licenciement prononcé à raison d’un fait commis au cours ou à l’occasion de l’exercice d’un droit de grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde.
► Pour rappel, tenter d’inciter les membres de son équipe à mener une action de grève correspond à l’exercice du droit de grève et ne peut être assimilé à une faute lourde pouvant justifier un licenciement (arrêt du 23 novembre 2022 ; arrêt du 1er juin 2023).
L’arrêt du 14 novembre 2024 rendu par la Cour de cassation apporte une nouvelle illustration.
Dans le cadre d’un conflit opposant les salariés d’un atelier à leur direction, relatif à la mise à leur disposition d’un véhicule de service, un des salariés est licencié pour faute grave. En cause, il avait annoncé à son employeur l’intention des salariés de faire grève et de mettre à l’arrêt l’atelier si un véhicule n’était pas présent sur le site le lendemain. Il saisit la juridiction prud’homale pour contester son licenciement en invoquant la nullité et obtient la condamnation de l’employeur. Ce dernier se pourvoit en cassation.
Selon l’employeur, le licenciement prononcé n’est pas intervenu à l’occasion de l’exercice du droit de grève et ne peut être sanctionné par la nullité. Les dispositions protectrices accordées aux salariés grévistes ne peuvent s’appliquer en l’espèce dès lors que les menaces du salarié de faire grève ne se sont jamais concrétisées.
Une argumentation rejetée par la Cour de cassation qui valide la solution dégagée par la cour d’appel. En s’appuyant sur l’article L. 2511-1 du code du travail, elle réitère sa position et rappelle que la nullité du licenciement d’un salarié ne se limite pas au cas où le licenciement est prononcé à l’occasion d’une participation effective du salarié à une grève. Cette nullité « s’étend à tout licenciement prononcé à raison d’un fait commis au cours ou à l’occasion de l’exercice d’un droit de grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde ».
Autrement dit, il importe peu que le salarié soit gréviste ou que le mouvement social se déclenche. En s’appuyant sur les constatations des juges du fond, dont il ressort que le licenciement était motivé par la menace du salarié de faire grève dans un contexte de revendication collective, elle considère que les faits reprochés au salarié avaient bien été commis à l’occasion de l’exercice du droit de grève. C’est donc à bon droit que le licenciement prononcé pour faute grave doit être annulé.
Deux avis du ministère du travail publiés au Journal officiel du 6 décembre 2024 annoncent la parution prochaine de deux arrêtés portant agrément de :
- l’avenant n° 9 du 22 novembre 2024 à la convention du 26 janvier 2015 relative au CSP, signé à l’unanimité ;
- l’avenant n° 6 du 22 novembre 2024 à la convention du 17 juillet 2018 relative à la mise en œuvre du dispositif à Mayotte, signé par les organisations patronales, la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC.
Ces deux avenants visent à prolonger d’une année, l’application du CSP et ajoutent, au nombre des cas permettant l’allongement de la durée du CSP, le bénéfice du congé de présence parentale.
► La durée du CSP peut déjà être prolongée en raison : de la réalisation de périodes d’activités professionnelles, de périodes d’arrêts maladie (dans la limite de quatre mois) et de congé de maternité (dans la limite de la durée légale de ce congé), d’un congé paternité et d’accueil de l’enfant (dans la limite de la durée légale du congé qui est de 25 jours), d’un congé d’adoption (dans la limite de la durée légale qui est de 16 semaines, 22 semaines en cas d’adoptions multiples) et d’un congé de proche aidant (dans la limite de la durée légale du congé qui est de un an pour l’ensemble de la carrière).
On le voit tous les jours en entreprise, le DRH est souvent confronté à des tensions relationnelles, souvent liées à des conflits interpersonnels, des comportements inappropriés ou des dysfonctionnements organisationnels. Ces tensions se sont intensifiées ces dernières années en raison de plusieurs facteurs : des attentes croissantes des employés concernant leur bien-être et le respect de leurs droits, des réorganisations fréquentes créant de l’incertitude, une diversité accrue des équipes, et une utilisation généralisée des outils numériques qui peut mener à l’isolement, à des malentendus et à des dérapages. La prise de conscience accrue des problématiques de harcèlement, de discrimination, de sexisme, voire de violences, a entraîné une augmentation des signalements internes, phénomène exacerbé par la pression de la performance et le stress au travail.
Sollicité pour apaiser les tensions et accompagner les collaborateurs en souffrance, le DRH a le devoir d’examiner les allégations de harcèlement, de discrimination, d’agissements sexistes au sein de l’entreprise. Comment ? En menant une enquête interne pour pouvoir évaluer objectivement les faits, protéger les droits des personnes concernées et prendre les mesures appropriées. Et c’est loin d’être une partie de plaisir car, pour mener à bien cette mission que d’aucuns aiment à qualifier d’impossible, le DRH doit donc relever un double défi : maîtriser un cadre juridique de plus en plus complexe et prendre en compte les dimensions émotionnelles et humaines propres à ces situations.
Bien que les modalités précises des enquêtes internes ne soient pas définies juridiquement, leur méthodologie approfondie repose sur deux axes fondamentaux qui garantissent leur bon déroulement :
- la confidentialité des signalements et la protection de toutes les parties concernées ;
- le respect de principes rigoureux, tels que l’impartialité, la neutralité, la loyauté et le respect du contradictoire.
Et là, il n’y a pas de secret. L’accès aux informations sensibles doit être restreint aux personnes strictement nécessaires, comme les enquêteurs et les parties concernées. L’anonymat des lanceurs d’alerte et des témoins doit être également assuré lorsqu’il est demandé, tout en restant transparent sur le processus de l’enquête. Pour éviter tout débordement, les données personnelles des individus concernés doivent être protégées et utilisées uniquement pendant la durée de l’enquête, avec la garantie que les données confidentielles ne sont pas partagées en dehors du cadre de l’enquête. Les échanges entre les parties doivent enfin être sécurisés, conformément à la RGPD.
C’est une mission délicate que de veiller au respect de la confidentialité. Les managers ne sont pas prévenus des motifs d’absence de leurs collaborateurs pour se rendre à un entretien. Cela suscite souvent de la frustration et de l’incompréhension. Face aux questions des autres collaborateurs de l’équipe, alertés par des bruits de couloirs, les managers sont démunis.
Les personnes mises en cause doivent encore être traitées de manière équitable, leurs droits respectés et leur confidentialité préservée tout au long de l’enquête.
Si les victimes sont écoutées avec plus d’aisance depuis le mouvement MeToo également dans le milieu professionnel, leurs accusations manquent parfois de nuance et de graduation. Leurs perceptions de comportements sexistes ou sexuels par exemple peuvent être disproportionnés. Or, une personne mise en cause pour suspicions d’agressions sexuelles via une relation asymétrique mal vécue peut voir sa réputation professionnelle vaciller.
Par ailleurs, l’enquête doit être menée de façon impartiale, neutre et loyale, en recueillant les témoignages de manière équilibrée et en permettant à toutes les parties de s’exprimer et de se défendre. Il n’est nullement question de faire le procès des personnes incriminées via une pseudo-instruction à charge, faute de quoi l’enquête sera nulle. La transparence, nécessaire dans ce type de procédure, crée un climat de confiance qui permet à chaque personne mise en cause de répondre aux accusations de façon équitable.
Bien que l’enquête interne ait une finalité probatoire, avec une décision pouvant conduire à des sanctions le cas échéant, elle sert avant tout à résoudre les tensions relationnelles qui génèrent souvent des émotions fortes, telles que le stress, l’anxiété ou la colère en influençant les perceptions et les comportements des individus impliqués. Ces émotions peuvent être accentuées par le stress et les risques psychosociaux (RPS) générés par l’enquête elle-même, et ce d’autant que les émotions peuvent avoir un impact dans le recueil des témoignages.
Il faut toujours garder en mémoire que les personnes impliquées dans une enquête de ce type peuvent se sentir vulnérables ou incriminées, et voir leur capacité à s’exprimer librement altérée. La réception de la convocation avec les mentions « enquête éthique » sans autre explication, par exemple, peut les déstabiliser, les stresser et leur faire perdre une partie de leurs moyens pourtant indispensables dans le cadre de la procédure. Accueillir les personnes avec bienveillance et leur expliquer clairement le cadre de l’enquête permet souvent d’instaurer un climat de confiance et de sécurité émotionnelle, essentiel pour encourager une parole libre et authentique.
De même, Il est essentiel de faire preuve d’empathie envers la souffrance ou le mal-être des personnes impliquées, qu’elles soient victimes, témoins ou mises en cause. Les entretiens individuels, qui représentent le pilier de l’enquête, se conduisent dès lors en privilégiant l’écoute active et en adoptant une neutralité bienveillante : la reformulation est bien souvent nécessaire pour aider les personnes à exprimer leurs émotions et leurs vécus, comme la prise de recul l’est également afin de les accompagner dans la compréhension de l’impact de leurs comportements sur leurs émotions, leur pensée et leurs relations.
L’une des solutions communément retenues est de mener ces entretiens en binôme pour veiller aux biais cognitifs et se concentrer sur les faits, sans céder aux interprétations personnelles ou suppositions tour en évitant les risques de manipulation ou de déformation des faits dus à des émotions fortes. En évitant de conclure trop tôt et en maintenant une approche ouverte et objective, le duo à la manœuvre garantie l’intégrité et l’objectivité de l’enquête. Lorsqu’une personne impliquée est par exemple agressive, il peut être facile de l’attribuer à un trait de personnalité or le binôme peut aider à prendre du recul et vérifier si cette agressivité peut résulter de la pression subie.
Cette neutralité se poursuit dans la rédaction du rapport d’enquête, qui doit présenter les faits de manière objective, tout en tenant compte de l’impact humain de la situation, et la prise de décisions qui s’ensuit.
Reste que les acteurs internes rencontrent souvent des difficultés à recueillir les perceptions des collaborateurs sans risquer de se retrouver perçus comme juges et parties. De plus, ils manquent de temps et de formation pour aller au-delà d’un simple constat, ce qui peut aggraver la situation et conduire à prendre des décisions erronées. C’est pourquoi les DRH préfèrent de plus en plus externaliser les enquêtes, notamment dans les cas complexes, tels que les situations graves impliquant par exemple des dirigeants ou des salariés protégés. La double expertise, conduite par un binôme d’experts (un psychologue et un juriste), permet justement de lever la majeure partie des limites et freins à la réalisation d’une enquête éthique neutre, équilibrée et bienveillante. Surtout, elle permet de proposer des préconisations plus pertinentes en analysant tout à la fois les comportements et les risques qui sont en cause lors d’un signalement interne.
Il n’est possible d’embaucher en CDD, ou de prendre des intérimaires, que dans des cas listés par la loi, par exemple en cas de surcroît exceptionnel d’activité, de nécessité de remplacer un salarié absent ou d’activité saisonnière. Les emplois à caractère saisonnier consistent en des tâches appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.
Recourir à des contrats saisonniers sans respecter ces conditions est susceptible d’entraîner leur requalification en CDI, ainsi qu’a récemment pu le constater un laboratoire pharmaceutique. Celui-ci avait conclu plusieurs CDD et recouru à des intérimaires, tous affectés à des postes d’opérateurs de production de souches de vaccins contre la grippe.
Les contrats et missions ayant été renouvelés à plusieurs reprises, les intéressés ont fini par en demander la requalification, estimant que les emplois occupés correspondaient en réalité à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Les juges d’appel, soutenus en cassation, leur donnent raison, malgré les arguments de l’employeur qui insistait sur le caractère saisonnier de la grippe et donc du vaccin, qui impliquait des tâches appelées à se répéter chaque année. Mais pour les juges, deux arguments jouaient en faveur des salariés :
- la production du vaccin contre la grippe représentait 30 à 35 % de l’activité de l’employeur ;
- la fabrication des souches de ce vaccin, à laquelle les salariés étaient affectés, avait une durée quasiment ininterrompue (pour répondre aux besoins des hémisphères nord et sud), chaque année, de septembre à juin, hormis une courte période de suspension de fin décembre à mi-janvier, et une fermeture du site de production de fin du mois de juin à début septembre.
En principe, en cas de modification de la situation juridique de l’employeur, le nouvel employeur n’est pas tenu par les accords collectifs qui liaient le précédent employeur. Le législateur a toutefois atténué les effets de cette règle en préconisant l’ouverture de négociations soit pour adapter les anciens textes aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour élaborer une nouvelle convention ou de nouveaux accords. Ainsi, lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité, la convention ou l’accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure.
► A défaut d’une nouvelle convention ou d’un nouvel accord dans le délai d’un an, les salariés des entreprises concernées bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des 12 derniers mois.
Une nouvelle négociation doit s’engager dans l’entreprise, à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la date de mise en cause de l’accord, soit pour l’adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l’élaboration de nouvelles dispositions, selon le cas.
La loi autorise les parties à engager la négociation et à conclure un accord de substitution avant la réalisation de l’événement entraînant la mise en cause. Deux types de négociation anticipée sont autorisés :
- la négociation anticipée d’accords dits « de transition » dont l’application est limitée aux seuls salariés de l’entreprise dont la convention ou l’accord est mis(e) en cause et dont la durée est limitée à trois ans ;
- la négociation anticipée d’accords dits « d’adaptation » applicables aux salariés des deux entreprises [entreprise dont la convention ou l’accord est mis(e) en cause et entreprise d’accueil].
Dans un arrêt du 27 novembre 2024, qui sera publié au Bulletin, la Cour de cassation se prononce, pour la première fois à notre connaissance, sur la nature d’un accord dit « de transition ».
Dès lors qu’est envisagée une fusion, une cession, une scission ou toute autre modification juridique qui aurait pour effet la mise en cause d’une convention ou d’un accord, les employeurs des entreprises concernées et les organisations syndicales de salariés représentatives de l’entreprise qui emploie les salariés dont les contrats de travail sont susceptibles d’être transférés peuvent négocier la convention ou l’accord de substitution prévu(e) à l’article L. 2261-14 du code du travail.
Cet accord, dont la durée ne peut excéder trois ans, a vocation à assurer la transition avec le statut de l’entreprise d’accueil ; il s’agit donc d’une étape vers l’élaboration d’un statut collectif commun. Il entre en vigueur à la date de réalisation de l’événement ayant entraîné la mise en cause (date du transfert) et s’applique à l’exclusion des stipulations portant sur le même objet des conventions et accords applicables dans l’entreprise d’accueil. A l’expiration de cet accord, ces derniers deviennent applicables aux salariés transférés.
Dans cette affaire, un grand groupe avait engagé un processus de simplification de ses différentes structures juridiques en France par la fusion de sociétés spécialisées dans le même type d’activité ou dans des activités connexes. Ce processus avait conduit au regroupement de 13 entités en trois sociétés, le 1er janvier 2018.
Afin d’organiser, dans les 16 mois à venir, les négociations nécessaires à l’élaboration des accords applicables, in fine, à l’ensemble des salariés du nouveau périmètre créé par ces opérations de restructuration, un accord de groupe dit « de méthode » avait été conclu le 23 octobre 2017.
Compte tenu notamment des effets de la crise sanitaire liés au Covid-19, une des trois sociétés issues de la restructuration éprouvait cependant des difficultés à harmoniser le statut social des salariés appartenant à son périmètre. Le 28 janvier 2021, elle avait alors conclu, avec deux des trois organisations syndicales représentatives, un accord intitulé « sur la poursuite des négociations au sein de la société […] liées au projet de simplification des structures juridiques du groupe en France ». Cet accord prolongeait jusqu’au 31 décembre 2022 les dispositions conventionnelles applicables avant l’opération de fusion et n’ayant pas encore fait l’objet d’une harmonisation. Ces dispositions s’appliquaient « pour tous les salariés des nouveaux établissements des sociétés issues de la fusion ».
La troisième organisation syndicale représentative, non-signataire de cet accord, avait saisi la justice aux fins d’annulation et, à titre subsidiaire, d’inopposabilité de l’accord.
Cet accord, qu’elle qualifiait d’accord de substitution dit « de transition » prolongeait les dispositions conventionnelles mises en cause depuis le 1er janvier 2018 jusqu’au 31 janvier 2022, soit au-delà du délai maximal légal de trois ans fixé pour ce type d’accord.
Toute la question était donc de déterminer la nature de cet accord. S’agissait-il d’un accord de droit commun ou d’un accord de substitution conclu en vertu de l’article L. 2261-14-2 du code du travail ?
Les juges du fond considèrent que cet accord ne relève pas de l’article L. 2261-14-2.
En effet :
- d’une part, l’accord avait seulement pour objet d’organiser la poursuite des discussions liées au projet de restructuration et, pour ce faire, prévoyait la prolongation des dispositions conventionnelles antérieures à la fusion et n’ayant pas encore fait l’objet d’une harmonisation ;
- d’autre part, le statut collectif antérieur temporairement prolongé s’appliquait à tous les salariés des anciennes sociétés du groupe, y compris à ceux embauchés depuis la fusion réalisée le 1er janvier 2018.
L’accord n’avait pas pour objet de mettre en place des mesures transitoires applicables uniquement aux salariés transférés, dans l’attente d’une harmonisation des statuts collectifs. Il ne s’agissait donc pas d’un accord de substitution « de transition ».
La Cour de cassation partage ce raisonnement : visant essentiellement à organiser l’existence d’accords collectifs applicables à tous les salariés de chacun des établissements composant la société, cet accord ne relevait pas de l’article L. 2261-14-2 du code du travail. La période maximale d’application de trois ans instituée par ce texte ne lui était donc pas applicable.