Elles étaient agentes d’entretien, cumulant le plus souvent des horaires hachés et contraignants. Elles sont aujourd’hui chefs d’équipe, agents machinistes, gestionnaires de paie, assistantes d’agence sur la logistique… Entre ces deux fonctions, elles ont suivi le parcours de formation « Talents au féminin » mis en place par Derichebourg Multiservices, destiné à promouvoir des ouvrières à des postes de manager de proximité. L’entreprise a reçu le Trophée de l’innovation RH 2024, en juin dernier, pour cette initiative, décerné par Morgan Philips, Fyte, Cadremploi et Figaro emploi.
Comme beaucoup d’entreprises du secteur de la propreté, Derichebourg Multiservices (DMS), n’est pas épargné par les problèmes d’égalité professionnelle. Car si les femmes sont majoritaires dans la profession, peu d’entre elles ont réussi jusqu’ici à gravir les échelons hiérarchiques. « 70 % d’entre elles ont le statut d’ouvrier/employé et seul un tiers occupe un poste d’encadrant », pointe Claire Gonnet, responsable développement RH au sein de la société.
Conscient de la nécessité de faire évoluer la parité au sein du management, l’opérateur de services externalisés aux entreprises, aux services publics et aux collectivités, qui s’est rapproché, en avril 2023, du groupe de restauration collective Elior, s’est fixé pour objectif de confier 50 % de ses postes de managers à des femmes d’ici à 2030.
Pour remplir cet objectif, le groupe a lancé son programme « Talents au féminin », fin 2022, à destination des ouvrières du groupe. « C’est notre meilleur vivier, elles connaissent l’entreprise et les métiers », souligne Claire Gonnet. Reste à lever les freins au développement de carrière. Or, ils sont nombreux. Les barrières portent à la fois sur le niveau d’étude, la maîtrise de la langue française, l’articulation des temps de vie professionnelle et personnelle. Sans oublier, « les freins émanant des managers eux-mêmes qui ne souhaitent pas perdre leurs meilleurs éléments ».
Le programme a été conçu par l’organisme « Manager Formation », spécialisé dans la construction de projet, le coaching, et accompagnement personnalisé de femmes principalement.
Il comprend deux phases. La première, collective, est dédiée au développement personnel. Elle se décline sous formes de modules, à l’instar d’ateliers sur la « prise de parole », l’ »affirmation de soi », le « plafond de verre » pour permettre aux agents de service de se projeter sur des postes à responsabilités. La seconde, individuelle, est consacrée au développement professionnel. C’est au cours de cette étape que les participantes construisent leur parcours, en fonction de leur profil. « Cette phase permet également de tester différents métiers, en accompagnant un salarié à son poste de travail pour choisir en toute connaissance de cause, de faire valoir ses compétences professionnelles et d’évaluer les savoir-faire nécessaires à l’exercice du futur métier », poursuit Claire Gonnet.
Certaines formations sont certifiantes. Avec à la clef, un certificat de qualification professionnelle (CQP), notamment de chef d’équipe, responsable de site, management, pour encadrer les agents d’entretien.
Fin octobre, quatre promotions « Talents au féminin », composées de 10 à 15 ouvrières, ont été lancées, deux en Ile-de-France, une à Nantes et une à Toulouse. Le programme, qui inclut désormais les ouvrières d’Elior, devrait essaimer à Lille, Lyon, Strasbourg et inclure les collaboratrices de la filiale Elior restauration.
Car d’ores et déjà, les indicateurs sont encourageants : 90 % des participantes sont satisfaites du parcours, 44 % ont suivi ou vont suivre une formation et 22 % des coachées ont déjà évolué vers davantage de responsabilités.
« Pour certaines, ce programme est aussi l’occasion d’une nouvelle vie équilibrée, souligne Claire Gonnet. Car à l’arrivée, le nouveau poste leur permet d’avoir un temps plein, avec des horaires de bureau, plus stables et de disposer d’un salaire supérieur à celui qu’elles percevaient auparavant ».