L’identité de genre a fait son entrée parmi les motifs de discrimination prohibés en 2017 (loi du 27 janvier 2017), dans la lignée des autres avancées réalisées pour les droits des personnes transgenre depuis 2016. Malgré cela, constate la Défenseure des droits, ces personnes continuent à faire l’objet de discriminations, notamment dans l’emploi.
► La Défenseure des droits précise que, selon une étude « Baromètre LGBT+, quatrième édition » menée par l’Ifop en 2024, plus de la moitié des employés LGBT (53 %) déclarent avoir entendu des expressions LGBTphobes, 37 % d’une agression, et 35 % avoir été confrontés à une discrimination sur leur lieu de travail.
Pour aider les employeurs à lutter contre les discriminations à l’égard de leurs salariés transgenres, la Défenseure des droits a présenté des recommandations.
► Les employeurs peuvent recourir au guide publié par l’association l’Autre cercle.
Rappelons que ces recommandations ne sont pas des décisions administratives qui s’imposent, mais visent à préconiser aux employeurs des mesures de nature à remédier à tout fait ou à toute pratique discriminatoire.
L’enjeu, pour l’employeur, de lutter contre les discriminations à l’identité de genre est important. En effet, à défaut, l’employeur pourrait être sanctionné au titre de la violation de son obligation de santé de et sécurité vis à vis de ses salariés prévu par l’article L.4121-1 du code du travail. Or, la Défenseure des droits constate que des cas de transphobie lui sont régulièrement rapportés, chez les employeurs publics (décision-cadre n° 2021-065, 12 avril 2021), privés (conseil de prud’hommes d’Angers, 24 juin 2024), ainsi que des refus d’embauche en raison de l’identité de genre (Défenseur des droits, décision MLD 2013-203, 4 novembre 2013 ; conseil de prud’hommes de Tours, 4 juin 2015, n° 14/00448). Pour éviter de lui voir reprocés de tels actes de discrimination, la Défenseure des droits rappelle que l’employeur est tenu :
- de diligenter une enquête interne lorsque des faits de discrimination à l’identité de genre lui sont rapportés, ceux-ci pouvant s’appuyer sur la décision-cadre rendue le 5 février 2025 pour la réaliser ;
- de sanctionner les auteurs de tels actes sur le plan disciplinaire.
Elle rappelle que l’employeur étant dans l’obligation d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés, celui-ci est dans l’obligation de diligenter une enquête interne lorsque des faits de discriminations à l’identité de genre lui sont rapportés, ceux-ci pouvant s’appuyer sur la décision-cadre rendue en 2025 pour la réaliser. Il est également tenu de sanctionner les auteurs de tels actes sur le plan disciplinaire.
Enfin, la Défenseure des droits recommande aux employeurs mener un travail de sensibilisation auprès des travailleurs, et de former les acteurs-clés de l’entreprise aux questions relatives à l’identité de genre et à la lutte contre les discriminations (RH, managers, représentants du personnel, service de prévention, etc).
Cette formation pourra notamment se dérouler dans le cadre de la formation obligatoire du personnel de recrutement à la prévention et la lutte contre les discriminations au travail dans les entreprises de 300 salariés et plus (article L.1131-2 du code du travail). Les employeurs pourront s’appuyer à cet effet sur le référentiel de formation publié par le ministère du travail en mai 2025.
La Défenseure des droits précise qu’il sera nécessaire d’inclure systématiquement les critères de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre dans les politiques internes de lutte contre les discriminations et contre le harcèlement.
La présence et l’accès des lieux d’intimité au travail font l’objet d’un cadre légal qui peut engendrer certaines difficultés en cas de présence de salariés transgenres dans la communauté de travail. Le code du travail impose notamment des toilettes (article R.4228-10 du code du travail), ainsi que des vestiaires (article R.4228-5 du code du travail) séparés pour les hommes et les femmes.
La Défenseure des droits recommande l’installation de toilettes mixtes et non genrées lorsque le nombre minimum de sanitaires pour hommes et pour femmes est atteint.
Elle conseille également de proposer des vestiaires privatifs sans distinctions de genre, qui profiteront également aux salariés qui ne seraient tout simplement pas à l’aise pour se changer en présence d’autres collègues.
Lorsque de tels aménagements sont impossibles, la Défenseure des droits envisage par exemple de prévoir des horaires d’accès différents aux vestiaires en réservant des créneaux spécifiques pour les personnes concernées.
Bien qu’il soit possible pour les personnes transgenres de faire modifier leur état civil, de nombreuses difficultés subsistent dans l’accès à ce droit. Pour cette raison, de nombreuses personnes transgenres utilisent un prénom d’usage qui ne correspond pas à leur prénom légalement inscrit à l’état civil. Le prénom étant un marqueur d’identité de genre important, il est au cœur de nombreuses discriminations subies par les personnes transgenres.
Il n’est pas obligatoire d’utiliser l’identité légale du salarié pour la plupart des documents internes à l’entreprise. La Défenseure des droits recommande donc aux employeurs d’utiliser, lorsque la personne transgenre en exprime le souhait, le prénom choisi et de modifier son titre de civilité sur tous les documents administratifs, même si cela ne correspond pas à ce qui est mentionné sur son état civil. Cette solution peut en effet aider à protéger la personne concernée des réactions de rejet et des discriminations fondées sur le décalage entre son apparence physique et son identification au sein de l’entreprise.
La Défenseure des droits recommande d’adapter l’ensemble des systèmes informatiques aux nouvelles réalités individuelles et familiales, de permettre la suppression ou la modification de la civilité à la demande des personnes et de ne pas la corréler au numéro de sécurité sociale ni à la mention de sexe de l’état civil.
Afin d’éviter tout décalage entre l’identité de genre du salarié et celui mentionné sur les documents administratifs antérieurs à sa transition, la Défenseure des droits conseille la réédition de tous ces documents afin de respecter sa vie privée. En effet, des documents antérieurs à sa transition pourraient lui être demandés par des administrations (comme c’est souvent le cas par exemple des bulletins de paie).
► A noter : dans une décision du 14 avril 2023, le Conseil d’Etat avait rejeté une demande d’annulation par une salariée transgenre d’une décision de la Cnil refusant d’enjoindre à des sociétés de rectifier des documents RH antérieurs à l’ordonnance du 23 décembre 2019 par laquelle la justice avait autorisé son changement d’état civil.
La Défenseure des droits recommande à l’employer de ne pas édicter de mesures différenciées pour les hommes et les femmes dans son règlement intérieur, concernant notamment le port d’uniformes, vêtements, bijoux, maquillage. Lorsqu’un uniforme est obligatoire, la Défenseure des droits préconise de permettre aux salariés de le choisir indifféremment de leur genre et de la mention de leur sexe à l’état civil au sein d’un catalogue unique.
