Nous le savons tous, l’action du manager conditionne la réussite des transformations de l’entreprise : il est l’acteur de proximité, celui qui peut agir sur l’intégration par son équipe de ce qui doit changer. Mais son rôle est fondamentalement différent selon l’approche adoptée pour mener la transformation.
Encore très présente dans nos organisations, la méthode que nous a léguée le modèle néo-taylorien est basée sur une dichotomie forte entre décideurs et exécutants. Le principe et la finalité de la transformation sont décidés par les dirigeants, ce qui est légitime quelle que soit l’approche de la transformation. Mais ses modalités détaillées sont également formalisées par ces décideurs. L’ensemble est ensuite communiqué pour exécution en se centrant sur ce doit être mise en place (les « comment »). Un chef de projet, un calendrier, des KPIs, des outils. Aujourd’hui encore, l’approche est celle qui est poussée par les grands cabinets anglo-saxons. En arrière-plan, une logique simple : une fois la transformation définie, « l’intendance suivra ».
Dans ce cadre, le manager a pour responsabilité de relayer la décision de la Direction et de garantir qu’elle est mise en œuvre par tous selon les modalités prédéfinies. Dans cette recherche d’alignement, les compétences managériales requises renvoient à l’autorité, au contrôle et à la sanction.
Cette approche de la transformation souffre de nombreuses limites : elle ne correspond plus au modèle d’autorité dominant dans notre société ; elle est décalée par rapport au niveau global de compétence des collaborateurs ; elle va annihiler leur initiative. C’est la raison pour laquelle des résistances vont émerger. Et c’est alors que sera brandi l’alibi facile de la « résistance au changement », qui dédouanera les décideurs.
Cette approche de la transformation à caractère participatif est souvent présentée comme la seule alternative. Là aussi les dirigeants décident du principe et de la finalité de la transformation, qui sont ensuite largement partagés. Puis des collaborateurs sont sollicités pour détailler les modalités, via des groupes de travail dédiés, des managers ou de l’ensemble des salariés. Il y a enfin regroupement et sélection des propositions, puis communication pour déploiement.
Le manager a alors pour mission de veiller à la compréhension par ses collaborateurs de la finalité de la transformation, de recueillir leurs idées et de les faire remonter, puis de partager les décisions prises in fine par le sommet et enfin d’animer la mise en œuvre.
Une telle approche permet certes d’enrichir la réflexion sur les modalités de mise en œuvre par les éléments proposés par les collaborateurs. Mais elle comprend également un volet descendant, puisque la décision sur les modalités retenues relève là-aussi des dirigeants. Elle reste donc basée sur la dichotomie entre décideurs et exécutants, avec des risques de résistance au changement tout aussi forts.
Il existe une troisième approche de la transformation, encore très peu présente dans nos organisations : les dirigeants décident de la nature de la transformation, mais s’interdisent d’intervenir sur ses modalités. Les « pourquoi » sont éclairés pour garantir que tous se les approprient. Cette phase est un investissement de nature « pédagogique ». Puis, et c’est là que réside la rupture dans l’approche, l’ensemble des salariés sont invités à la prise d’initiative pour que la transformation se matérialise concrètement : chaque collaborateur, chaque équipe décide des actions à mener pour alimenter la transformation ciblée, dans une logique de contribution. Ayant adopté les « pourquoi », les collaborateurs choisissent eux-mêmes les « comment ».
Cette approche a démontré son efficacité pour opérer une transformation de la culture de l’entreprise, comme le développement d’une culture client. Elle est opérante pour définir le détail du plan stratégique de l’entreprise, une fois les axes stratégiques majeurs formalisés par les dirigeants.
Le rôle du manager est alors de donner le sens, d’animer la prise d’initiative, d’encourager et de valoriser, en ne portant jamais de jugement et en accompagnant la dynamique pour la renforcer. La bascule vers un tel positionnement requiert un accompagnement de la DRH, au regard de l’héritage culturel qui est souvent le nôtre quant aux formes de la relation managériale.
La mise en œuvre de cette approche de la transformation renforce l’engagement, les collaborateurs étant acteurs et promoteurs de cette mutation. Elle garantit la pertinence des réponses au regard des réalités vécues par tous. En arrière-plan, elle appelle un processus de construction et de renforcement de la confiance, loin des approches traditionnelles de contrôle managérial.
