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Chronique
actuEL RH
Contrat de travail

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie d’une question relative à la prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation au profit d’un télétravailleur, rend une décision pour le moins surprenante, non pas concernant la prescription, mais concernant les cas dans lesquels cette indemnité est due, élargissant nettement les hypothèses jusqu’ici connues.

Depuis la pandémie de Covid-19, le télétravail est devenu une composante incontournable de l’organisation du travail. D’abord mis en place dans l’urgence, il s’est progressivement installé dans la durée, au point de devenir un mode habituel d’exercice de l’activité pour de nombreux salariés. Cette évolution rapide n’a pas été sans soulever des interrogations juridiques, et notamment celle des conséquences financières du télétravail.

Parmi les premières problématiques apparues, celle des frais professionnels générés par l’exercice d’une activité à domicile a été centrale. Connexion Internet, électricité, chauffage, mobilier, matériel informatique sont autant de dépenses que le salarié engage lorsqu’il accomplit son travail depuis son domicile, et donc au profit de son employeur. Même si certaines entreprises ont peiné à l’admettre, il a été globalement admis que ces frais, à condition d’être justifiés ou évalués forfaitairement, devaient être pris en charge par l’employeur et bénéficier du traitement des frais professionnels. La publication par l’Urssaf d’un barème d’indemnisation forfaitaire, un an avant la pandémie, a permis d’accélérer la mise en place de cette allocation dans les entreprises. Ce barème reste cependant relativement modique – à peine plus de deux euros par jour télétravaillé – et n’a pas vocation à couvrir les autres implications du télétravail, notamment l’usage d’un espace privé pour des besoins professionnels.

L’indemnité d’occupation appliquée de manière générale ?

L’apparition dans le débat juridique d’une indemnité visant à compenser la contrainte que représente l’occupation du domicile privé à des fins professionnelles, ne date pas d’hier. Cette indemnité de sujétion ne vise pas les frais engagés, mais la seule contrainte que représente l’occupation d’une partie du domicile personnel pour les besoins de son travail, notamment en raison de l’immixtion dans la vie privée qu’elle implique.

Jusqu’à récemment, cette indemnité n’était imposée aux employeurs que dans des cas bien spécifiques et notamment, lorsque le salarié ne disposait d’aucune alternative pour exercer son activité en raison de l’absence de locaux professionnels mis à sa disposition. Cette jurisprudence déjà ancienne (arrêt du 7 avril 2010) n’a pas été difficile à faire accepter aux employeurs désireux de faire accepter le principe du télétravail à temps plein car elle ne représentait pas un coût comparable à l’économie réalisée par l’absence de locaux. Si le principe de l’indemnité de sujétion a été posé, le montant pouvait rester relativement modeste, notamment pour les salariés n’entreposant aucun matériel ou peu de dossiers chez eux et ne justifiant finalement que d’une contrainte très limitée.

Une situation plus discutable a fait l’objet d’un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris (cour d’appel de Paris, 21 décembre 2023 n° 20/05912). Cette fois, les juges d’appel ont estimé que l’indemnité d’occupation était due alors que l’employeur disposait bien de locaux et qu’il n’était pas à l’origine du passage en 100 % télétravail. L’hypothèse était celle d’un télétravail à 100 % préconisé par le médecin du travail. Même si cette décision a pu surprendre, le télétravail étant dans cette hypothèse subi par l’employeur, il faut rappeler que les préconisations médicales imposant un aménagement de poste doivent, pour leurs conséquences financières, être assumées par l’employeur. C’est ainsi compréhensible que les juges aient pu concevoir la mise en télétravail à temps plein comme un aménagement de poste pour raisons médicales dont les conséquences financières devaient être assumées par l’employeur et ordonner le versement d’une indemnité d’occupation au profit du salarié.

Hors de ces cas particuliers, l’indemnité de sujétion n’était donc jusqu’à présent pas obligatoire. Le passage en télétravail, hybride ou à temps plein, ne donnait lieu à aucune compensation supplémentaire, en dehors des frais professionnels, ces derniers étant même parfois ignorés par des employeurs conscients que le télétravail est une modalité d’exécution du travail souhaitée par les salariés.

L’arrêt du 19 mars 2025 : une évolution marquante ?

Tout pourrait changer à la suite de l’arrêt publié au bulletin et rendu par la Cour de cassation le 19 mars 2025.

Saisie d’un litige portant sur de multiples demandes, la Cour de cassation devait notamment se prononcer sur la prescription applicable à une action en paiement d’une indemnité d’occupation, la cour d’appel ayant appliqué la prescription quinquennale applicable aux actions indemnitaires. Si la Cour de cassation a tranché en faveur d’une prescription de deux ans en rappelant que cette indemnité de sujétion découlait de l’exécution du contrat de travail, elle ne s’est pas arrêtée là.

Par une formulation inattendue et très générale la Cour énonce que : « L’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée, de sorte qu’il peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition ou qu’il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail ».

Par cette phrase, ou plutôt par l’utilisation du mot « ou », la Cour semble étendre le droit à indemnité à tous les salariés en télétravail, à temps partiel ou à temps plein et quel que soit le motif à l’origine de cette situation. Alors que la majorité des télétravailleurs sont dans une situation de télétravail choisi et souhaitent conserver ce qu’ils estiment être un acquis social, cette décision pourrait ouvrir la voie à un droit automatique à indemnité, indépendamment de toute contrainte ou absence de locaux. Rappelons en effet que les cas dans lesquels le télétravail peut être imposé au salarié sont limités aux évènements exceptionnels et que le télétravail est donc le plus souvent « convenu » entre les salariés et leur employeur.

Une portée encore incertaine

S’agit-il d’un revirement jurisprudentiel, ou d’une simple maladresse rédactionnelle ? On a du mal à imaginer que les juges de la haute cour aient pu confondre « ou » et « et » et n’aient pas eu conscience de la portée de leur formule par ailleurs reproduite en préambule de l’arrêt sur le site internet de la Cour de cassation. Il semble bien qu’il y ait une volonté de ne plus réserver le droit à l’indemnité d’occupation aux seuls salariés contraints – bien que consentants – à exercer leur activité en télétravail.

L’impact de cet arrêt publié peut donc être important et il soulève de nombreuses interrogations. Faut-il désormais verser une indemnité supplémentaire à tous les salariés en télétravail, même quelques jours par semaine, alors que les frais professionnels sont déjà indemnisés ? Comment calculer cette indemnité ? Sera-t-elle forfaitaire ? Proportionnelle au temps de télétravail ou, à la surface d’occupation ? Faudra-t-il verser cette indemnité à tous les télétravailleurs, quelles que soient les mentions à ce sujet dans les contrats de travail, les chartes ou les accords collectifs ?

La prudence est de mise, mais il est probable que cette décision, si elle venait à être confirmée, entraînerait une révision des pratiques RH. Elle pourrait notamment inciter les employeurs à repenser leurs politiques de télétravail et à négocier concernant cette indemnité afin d’anticiper les revendications, voire des contentieux. Cela devra être budgété et ne manquera pas d’être reporté sur les augmentations générales et/ou individuelles pour l’année en question.

L’autre risque est d’assister à un recul de la pratique du télétravail, de nombreux employeurs refusant que cette organisation surtout sollicitée par les salariés soit à l’origine de frais supplémentaires. Si le télétravail venait à peser sur la masse salariale de l’entreprise, les employeurs seraient amenés à réfléchir aux économies à réaliser pour compenser cette hausse, voire à revenir au présentiel s’ils n’ont pas réduit la surface de leurs bureaux.

On l’a vu au moment de l’encadrement du télétravail, après la période de la crise Covid, les frais professionnels à verser aux salariés n’ont pas reçu un accueil chaleureux de la part des employeurs, ces derniers estimant qu’ils ne faisaient qu’organiser le télétravail à la demande des salariés. L’exonération de charges sociales et les montants modiques prévus par l’administration ont aidé à l’acceptation de cette charge financière. Cependant, non seulement le régime social de l’indemnité d’occupation ne sera pas le même mais son montant est amené à varier en fonction de la sujétion, celle-ci étant par nature différente en fonction du degré d’immixtion du travail dans la vie privée du salarié. Comment cela pourra-t-il être mesuré ?

Dans les prochains mois, il faudra suivre avec attention la manière dont les juridictions du fond interpréteront cette position et comment les partenaires sociaux s’empareront de ce nouveau sujet.

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Signature: 
Camille Billard, Milestone Avocats
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Camille Billard, associée chez Milestone Avocats, s’interroge sur la portée de l’arrêt du 19 mars 2025. Dans cette décision, la Cour de cassation a accordé une indemnité d’occupation à une salariée en télétravail.
15/05/2025
Profile Chroniqueur: 
Camille Billard
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actuel
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actuEL RH
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