Lors de la communication de son plan visant à stabiliser la dette publique, mardi 15 juillet, le Premier ministre, François Bayrou, a annoncé sa volonté de demander aux partenaires sociaux d’ouvrir deux nouvelles négociations interprofessionnelles, les documents de cadrage étant attendus dès fin juillet ou début août. Selon le ministère du travail, les négociations doivent se terminer avant la fin de l’année.
La première négociation concerne l’assurance chômage. Il s’agit officiellement d’inciter « à une reprise d’emploi plus rapide » et de « diminuer l’endettement du régime d’assurance chômage ».
Sur le premier point, on peut donc s’attendre à ce que l’exécutif adresse une lettre de cadrage réclamant aux organisations syndicales et patronales une nouvelle réduction des durées d’indemnisation ainsi qu’un durcissement des conditions d’affiliation. Et ce alors que le régime a été durci à plusieurs reprises ces dernières années (voir l’encadré ci-dessous) et que le petit réchauffement du climat entre le gouvernement et les organisations syndicales, après le conflit des retraites, était dû à la volonté de Michel Barnier de ne pas durcir de nouveau l’assurance chômage contrairement à ce que projetait son prédécesseur, Gabriel Attal.
Notons encore que l’effet de ce régime moins favorable pour les demandeurs a été documenté, avec une précarisation de certaines catégories selon l’Unedic depuis la réforme de 2019.
Rappel : depuis le 1er avril 2025, il faut aujourd’hui avoir travaillé au moins 6 mois (soit 130 jours travaillés ou 910 heures travaillées) sur les 24 derniers mois (ou 36 mois à partir de 55 ans) pour prétendre aux allocations chômage. La durée d’indemnisation minimale est de 6 mois et la durée maximale est de 18 mois (22,5 mois pour les 55 et 56 ans et 27 mois pour les 57 ans et plus). Par comparaison, rappelons qu’avant le 1er novembre 2019, l’indemnisation était ouverte à partir de 4 mois travaillés sur les derniers 28 mois. |
Le gouvernement souhaite également que les partenaires sociaux s’attaquent aux ruptures conventionnelles.
Au motif qu’il s’agit parfois de démissions ou de licenciements « déguisés » qui font supporter le poids de la rupture à l’assurance collective, la ministre en charge du travail souhaite voir les partenaires sociaux limiter le champ des ruptures conventionnelles.
Le ministère du travail indique que les possibilités de modifier le champ des ruptures conventionnelles sont large : profil de l’employé et de l’entreprise, montant et durée de l’indemnisation, carence, etc. Remarquons que l’instauration de ce mode de rupture amiable avait eu justement pour but de fluidifier les parcours professionnels.
2. Le code du travail
► La seconde négociation concerne « la modernisation du marché du travail et l’amélioration de la qualité du travail ». François Bayrou semble reprendre ici les ambitions de Gabriel Attal gelées par la dissolution.
Le document du gouvernement évoque quatre objectifs :
- fluidifier le marché du travail ;
- inciter à travailler plus ;
- améliorer la qualité et les conditions de travail ;
- renforcer le dialogue social.
Les point 1 et 2 renvoient à des mesures de flexibilisation déjà proposées par le passé.
Alors que depuis le barème Macron de 2017, les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse sont plafonnées, Bruno Le Maire, alors ministre de l’économie, avait suggéré en 2024 de ramener le délai permettant à un salarié de contester en justice son licenciement de 12 mois à deux mois. Le rapport de simplification que lui avaient remis des parlementaires recommandait pour sa part de ramener ce délai à six mois.
Les deux premiers points pourraient aussi prévoir la possibilité d’adapter des aménagements aux contrats de travail (CDD, CDI, CDI de chantier, par exemple) au niveau de l’entreprise, par accord, et non plus seulement au niveau des branches.
Pour le point 2, « inciter à travailler plus », deux mesures seraient à négocier pour augmenter le temps de travail :
- une possible monétisation par accord de la 5e semaine de congés payés ;
- une contribution des entreprises versée à l’Etat en contrepartie de la suppression de deux jours fériés (lundi de Pâque et 8 mai étant pour l’heure les deux jours envisagés).
Après négociation, le point 2 devra, a prévenu le Premier ministre, « aboutir à une réforme structurelle visant à responsabiliser les entreprises sur la prévention et les salariés contre les arrêts abusifs en intégrant la réforme des indemnités journalières » [le gouvernement annonce que sera possible dès 2026 une reprise du travail sans obligation de visite médicale et, pour les arrêts longs, une reprise du salarié après avis de son médecin traitant ou de son médecin spécialiste].
Le troisième point devra traiter d’une meilleure prévention des accidents du travail et maladies professionnelles.
Sur ce point, la ministre du travail, qui souhaite renforcer la culture de la prévention en France, a d’emblée écarté le retour à une instance représentative du personnel dédiée aux conditions de travail comme l’était le CHSCT. Elle souhaite en revanche voir pris en compte le principe de l’écoute professionnelle des salariés. Astrid Panosyan-Bouvet réclame également un meilleur dialogue social de proximité.
Sur ce point 3, les discussions devront aussi porter sur la réduction des temps partiels subis et « responsabiliser davantage les entreprises et les donneurs d’ordre en limitant par exemple les rangs de sous-traitance ».
Selon le ministère du travail, « les entreprises doivent prendre toute leur part dans la prévention des arrêts maladie par l’amélioration des conditions de travail, et les salariés responsabilisés contre les arrêts répétés sans motif sérieux. Comme toute réforme d’ampleur qui touche au travail, les partenaires sociaux doivent se voir proposer une négociation d’abord. Ce sont eux qui sont à même de trouver les meilleures solutions. Cela fera donc partie du document d’orientation d’un chantier plus général destiné à permettre de fluidifier le marché du travail et à améliorer la qualité du travail ».
S’agissant du 4e point, un renforcement de la négociation dans les TPE-PME serait au menu des discussions. On peut se demander s’il s’agit ici des dérogations de branche évoquées dans le rapport parlementaire sur la simplification ou, plus largement, de nouveaux champs confiés à la négociation de branche et d’entreprise.
Un autre sujet devra être discuté, celui d’un abaissement du seuil rendant obligatoire la représentation des salariés dans les conseils d’administration [actuellement, en France, ce seuil est de 1 000 salariés, contre 500 en Allemagne où ils sont par ailleurs plus nombreux. Dans son rapport sur le management à la française l’inspection générale des affaires sociales (Igas) préconisait de se rapprocher du modèle de cogestion à l’allemande en « réévaluant la représentation des salariés dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance].
Pour finir, notons qu’une négociation sur le dialogue social pourrait aussi comprendre les discussions qu’avaient prévues, mais sans les programmer, les partenaires sociaux au sujet de la valorisation des parcours syndicaux.
