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Un salarié engagé en qualité d’inspecteur vérification risques industriels dans une société d’assurance a adressé à l’Agence française anticorruption deux signalements portant sur des faits de nature à recevoir une qualification pénale de fraude fiscale et d’abus de bien social commis par son employeur lors du règlement, susceptible d’être qualifié d’acte anormal de gestion par l’administration fiscale, d’un sinistre déclaré par une société. 

L’employeur a contesté l’analyse du salarié, en faisant valoir qu’il avait reçu tous les éléments de réponse à ses interrogations avant de faire ces signalements, que cette prise en charge était conforme aux obligations légales et conventionnelles de l’entreprise comme à son intérêt social et reprochait au salarié de fonder son analyse sur une jurisprudence fluctuante et controversée.
Licencié pour faute lourde quelques mois plus tard, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour demander à voir déclarer nul ce licenciement motivé par son signalement de faits susceptibles de constituer un crime ou un délit. La cour d’appel de Colmar a fait droit à cette demande. L’employeur se pourvoit en cassation pour contester cet arrêt, faisant notamment valoir que la mauvaise foi du salarié était constituée par une volonté de nuire à l’employeur. 

La mauvaise foi du lanceur d’alerte ne peut résulter que de sa connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce

La Cour de cassation confirme sa jurisprudence aux termes de laquelle le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ne peut pas être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (arrêt 8 juillet 2020 ; arrêt du 15 février 2023). Le licenciement notifié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

► Cette jurisprudence est constante en application de l’article L 1132-3-3 du code du travail dans ses rédactions successives, issues des lois du 6 décembre 2013 et du 9 décembre 2016. Elle devrait également l’être, à notre sens, dans sa dernière rédaction, issue la loi du 21 mars 2022.

Une divergence d’analyse sur la qualification pénale des faits ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi

Les faits de l’espèce et l’argumentation de la cour d’appel permettent par ailleurs de fournir une nouvelle illustration de ce qui ne permet pas de caractériser la mauvaise foi du salarié qui émet un signalement portant sur des faits susceptibles de caractériser un crime ou un délit : la mauvaise foi ne peut pas être déduite d’une simple divergence d’analyse sur la qualification pénale que les faits seraient susceptibles de recevoir. Dès lors, la Haute Juridiction approuve la décision de la cour d’appel qui en a déduit que le licenciement fondé, pour partie, sur des faits pour lesquels le salarié bénéficiaient de la protection attachée au lanceur d’alerte, était nul.

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Aliya Benkhalifa
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Les juges rappellent que seule la mauvaise foi de l’auteur d’un signalement peut justifier un licenciement, celle ci ne pouvant résulter que de la connaissance par ce dernier de la fausseté des faits qu’il dénonce.
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Contrairement aux idées reçues sur un supposé « désamour managérial », la fonction d’encadrement conserve son attractivité auprès des salariés. C’est ce que révèle le baromètre international Cegos, dévoilé hier, et réalisé en mars dernier dans dix pays d’Amérique latine, d’Asie et d’Europe dont la France (auprès de 427 managers et 44 DRH français).

Des primo-managers convaincus

L’enquête bat en brèche les préjugés : 72 % des primo-managers français – ceux qui occupent cette fonction depuis moins de deux ans – conseilleraient à une personne de leur entourage de s’engager dans ce rôle. D’ailleurs leur choix a été mûrement réfléchi : 78 % d’entre eux ont émis auprès de leur hiérarchie le souhait de se projeter dans des fonctions d’encadrant.

« L’aspiration des salariés à devenir managers ne s’inscrit pas prioritairement dans une logique de progression hiérarchique », observe Laurence Bellereaud, directrice de projets de formation sur-mesure Management & Leadership chez Cegos. Si l’enjeu salarial demeure un facteur d’attractivité non négligeable, les candidats souhaitent avant tout « pouvoir agir concrètement sur les leviers de performance et avoir un impact opérationnel ».

Les soft skills privilégiés au recrutement

Cette évolution des motivations s’accompagne d’un changement dans les critères de sélection. Bien que 55 % des DRH indiquent privilégier la promotion interne, ils peinent à identifier les profils adaptés. Les entreprises recherchent désormais des candidats « capables de dépasser leur seule expertise technique ou fonctionnelle pour démontrer une capacité à mobiliser et à fédérer les équipes ».

La tendance est particulièrement marquée en France : 74 % des RH français plébiscitent les soft skills comme critère déterminant pour accéder à des responsabilités managériales. L’expertise technique reste importante (32 %) mais cède clairement le pas à la qualité des interactions et à la posture comportementale des candidats.

Cette évolution traduit un tournant significatif : le rôle du manager est de moins en moins perçu comme un relais d’expertise et de plus en plus comme un levier de transformation et de conduite du changement.

Une formation qui intervient après la prise de poste

Point positif, 72 % des managers français bénéficient d’un accompagnement spécifique à leur prise de fonction. Mais contrairement à d’autres pays, la formation intervient le plus souvent après la nomination. Une pratique qui traduit, selon Cegos, la volonté d’ajuster les compétences en situation réelle, le collaborateur étant confronté à ses premiers défis managériaux.

Des difficultés persistantes au quotidien

Malgré cet engouement, la réalité du terrain reste complexe. 77 % des managers français déclarent constater une augmentation régulière de leur charge de travail, un niveau supérieur de dix points à la moyenne mondiale. S’y ajoute une difficulté persistante à préserver l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle : un manager sur quatre ne se dit pas satisfait de cet équilibre.

Plus préoccupant, 47 % d’entre eux estiment manquer de temps pour accompagner leurs équipes sur le terrain des relations humaines et de l’accompagnement individuel. Ils déplorent également le manque d’informations sur la stratégie de l’organisation et le sentiment d’isolement managérial.

Les primo-encadrants font face à des défis spécifiques, notamment l’animation d’équipes intergénérationnelles. La gestion des conflits intra ou interservices, l’impulsion des changements d’habitudes de travail et la gestion des urgences quotidiennes constituent autant de tâches particulièrement énergivores.

Un climat de travail globalement positif

Malgré ces difficultés, dont les RH ont pleinement conscience, le bilan reste encourageant. 87 % des managers de l’Hexagone déclarent travailler dans un climat de coopération et disposer de l’autonomie nécessaire pour mener à bien leur mission. 83 % affirment être en phase avec leur éthique.

Ces résultats mettent en avant, selon Christelle Delavaud, manager d’Offre et d’Expertise développement personnel de Cegos, la nécessité des entreprises de « proposer des dispositifs d’accompagnement adaptés tant à leurs aspirations qu’aux difficultés qu’ls rencontrent au quotidien ». Avec l’ambition de garantir « l’attractivité durable de la fonction managériale ».

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Anne Bariet
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Le baromètre international Cegos, présenté hier, démontre que les salariés restent attirés par les fonctions d’encadrement, motivés avant tout par l’impact opérationnel plutôt que par les perspectives hiérarchiques.
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Chronique

En France, en 2025, 35 % des entreprises d’au moins dix salariés utilisent ou déploient l’intelligence artificielle (IA), contre seulement 6 % en 2021 (1). Cette croissance exponentielle résulte de l’intégration progressive de ces technologies au sein des organisations.

Comme tout nouveau phénomène, le cadre d’utilisation de l’IA doit être défini pour cohabiter avec les individus dotés d’une intelligence traditionnelle. 

Le chef d’entreprise doit se poser trois questions :

  1. Qu’est-ce que l’IA ?
  2. Quels risqués liés à l’IA ?
  3. Quelle stratégie de déploiement ?
Qu’est-ce que l’IA ?

Définition. L’intelligence artificielle a été définie par différentes institutions. 

Selon le Parlement européen, l’intelligence artificielle désigne tout outil utilisé par une machine afin de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité » (2).

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) élargit cette définition en soulignant la capacité de l’IA à surpasser les performances humaines dans certaines tâches, comme battre un champion de jeu de go (3). Elle la décrit comme un « procédé logique et automatisé reposant généralement sur un algorithme et en mesure de réaliser des tâches bien définies ».

Enfin, le règlement européen 2024/1689 (IA Act), entré en vigueur le 13 juin 2024, précise qu’un système d’IA est un système automatisé, capable d’agir avec un certain degré d’autonomie, d’adapter son comportement à partir de données reçues, et de produire des résultats, contenus, décisions ou recommandations, ayant un effet concret dans un environnement donné.

Il ressort ainsi que l’IA désigne un système informatique capable d’accomplir des tâches humaines telles que raisonner, décider ou créer. Elle agit de manière autonome, apprend au fil du temps et s’appuie sur les données reçues pour formuler des choix, générer des idées ou produire du contenu.

Typologie. L’intelligence artificielle peut être distinguée selon son degré de sophistication ou de sa finalité (4). Concernant le premier critère, on distingue :

  • l’IA forte, capable d’accomplir toutes les tâches cognitives humaines dans n’importe quel contexte ;
  • l’IA faible, très performante uniquement dans des domaines précis ;
  • l’IA hybride, qui combine spécialisation et adaptation.

Concernant le second critère on différencie :

  • l’IA descriptive, qui sert à analyser et interpréter des données passées pour en extraire des informations utiles ;
  • l’IA prédictive, qui anticipe des situations ou comportements à partir de modèles statistiques ;
  • l’IA prescriptive, qui propose des actions concrètes en utilisant des données existantes pour produire des éléments inédits, comme des images, des textes ou du code, ce qui la rend précieuse dans des domaines comme le marketing, la création visuelle ou les assistants vocaux ;
  • enfin, l’IA générative, considérée comme une sous-catégorie de l’IA prescriptive, se focalise exclusivement sur la production de contenus originaux à partir d’instructions simples.
Quels sont les risques liés à l’IA ?

RPS. Si l’IA permet indéniablement de gagner en productivité et en temps, la survenance de nouveaux risques psychosociaux ne peut être exclue du fait de la surcharge de travail liée au sentiment de surveillance permanente ou encore une perte d’autonomie dans les missions.

Sans encadrement adapté, ces effets peuvent sérieusement détériorer les conditions de travail, réduire la productivité et donner lieu à l’engagement de la responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité.

La mise à jour du DUERP permet d’envisager différentes mesures de prévention comme des formations ou l’adaptation des postes de travail. Des enquêtes internes ou baromètres sociaux peuvent également permettre de détecter un malaise naissant lié à l’introduction d’un outil d’IA.

Divulgation de données sensibles ou confidentielles. L’utilisation de l’IA par les salariés de façon non autorisée ou peu encadrée peut mener à la diffusion de données sensibles ou confidentielles.

En effet, les données sont directement transmises à des entreprises tierces. Au-delà des risques concurrentiels pour l’entreprise, la divulgation de données personnelles ou couvertes par le secret professionnel ou médical est d’autant plus problématique. Les responsables des traitements des données, sont alors exposés à l’engagement de leur responsabilité civile en cas de préjudice (5), voire même à des sanctions pénales (6) ou aux sanctions prévues par le RGPD (7).

Erreur. L’usage croissant d’IA génératives accessibles gratuitement conduit certains salariés à faire une confiance aveugle aux contenus produits sans vérification. A titre d’exemple, un avocat américain a relayé de fausses informations en citant des jurisprudences inexistantes générées par une IA, faute de relecture [9]. Une mauvaise utilisation de l’IA pourrait altérer la crédibilité et l’image de l’entreprise en cas de divulgation d’informations erronées, mais également entraîner des problèmes juridiques.

Droits d’auteur. Ces outils peuvent générer des contenus basés sur des données protégées sans citer leurs sources. La question se pose d’une possible atteinte aux droits d’auteur s’il reprend un texte attribuable à un tiers.

Fraudes. Loin d’être un cas isolé, une étude affirme que plus d’un Français sur dix admet avoir déjà utilisé un faux document (8). Or, au regard de l’amélioration constante des outils, l’IA est susceptible de produire des faux diplômes ou de fausses notes de frais (9). Outre des remboursements indus de dépenses non professionnelles, la possibilité d’embaucher des travailleurs ne détenant pas les compétences requises pourrait porter préjudice à l’entreprise. Face à ce constat, il convient de mettre en place des outils internes de vérification automatisée ou des plateformes sécurisées.

Sensibiliser les salariés à une utilisation responsable de l’IA

Charte IA. On ne peut pas empêcher l’innovation. La freiner n’est pas opportun. Il faut par contre encadrer l’utilisation de l’IA avec un cadre clair permettant notamment de prévenir la survenance des risques précédemment identifiés. Le cadre doit donc être sécurisant mais souple. En effet, aujourd’hui, nous ne connaissons ni les usages ni les visages futurs de l’IA. La charte doit donc être pensée avec une vision prospective (comme a pu l’être la loi informatique et libertés de 1978 dont les principes ont guidé pour partie la rédaction du RGPD près de 40 ans après).

La charte doit établir des règles claires et efficaces pour :

  • protéger la confidentialité des données, voire le secret professionnel selon les secteurs ; 
  • veiller au respect des données personnelles, qu’elles soient entrées par l’utilisateur ou générées par l’outil ;
  • prendre en compte les enjeux de propriété intellectuelle, tant pour les données fournies à l’IA que pour les contenus produits ;
  • s’assurer que les résultats générés par l’IA soient systématiquement relus, vérifiés et validés ;
  • mettre en place des systèmes de filtrage, de supervision ou de suivi des usages.

De plus, une charte ne saurait être efficace sans un régime de sanctions adapté en cas de non-respect. A ce titre, en tant qu’annexe au règlement intérieur de l’entreprise, elle doit être soumise à la consultation du CSE et publiée conformément aux formalités prévues par le code du travail (10).

Formation et la sensibilisation des salariés. La charte IA ne sera comprise et appliquée qu’avec un minimum de pédagogie. L’accompagnement humain reste essentiel pour favoriser une adoption responsable et efficace. Cela passe par :

  • sensibiliser et former les salariés à travers l’organisation de webinaires, de formations ou encore d’ateliers afin qu’ils prennent conscience de manière concrète des différents dangers auxquels ils s’exposent ;
  • intégrer des clauses dans les contrats de travail notamment de confidentialité, afin de réaffirmer cette obligation et les conséquences qui en découlent ;
  • désigner un référent IA chargé d’accompagner les salariés et de répondre à leurs questions ;
  • actualiser la charte en fonction des évolutions légales et technologiques. C’est pourquoi au moment de la rédaction, il est opportun qu’elle soit assez générale pour permettre de la modifier sans trop de difficultés.

Comme l’intelligence traditionnelle a été éduquée, l’IA doit être encadrée. Le recours à l’IA ne saurait se résumer à une opportunité technologique. Il s’agit d’un enjeu juridique et managérial à part entière, qui suppose la mise en place d’un cadre normatif robuste, adapté aux spécificités de chaque organisation. C’est pourquoi, l’anticipation des risques et l’accompagnement des usages constituent un levier stratégique, au même titre que la conformité au RGPD ou la sécurité des systèmes d’information.

 

(1) Assemblée nationale, question écrite n° 4695, 4 mars 2025, JOAN, 1er avril 2025, p. 2294.

(2) Parlement européen, « L’intelligence artificielle (IA) est en passe de devenir la “technologie clé de l’avenir”. Mais qu’entend-on exactement par “IA” et comment affecte-t-elle notre quotidien ? », publié le 7 septembre 2020, mis à jour le 20 juin 2023 à 16h17.

(3) Cnil : « Intelligence artificielle, de quoi parle-t-on ? », 22 mars 2022.

(4) Intégral : « Quels sont les différents types d’IA ? », publié le 6 mai 2024, mis à jour le 20 février 2025

(5) RGPD : Art. 82 § 1

(6) Articles 226-16 et suivants du code pénal.

(7) Amendes pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4% du chiffre d’affaires annuel mondial. cf. Commission européenne : « Que se passe-t-il si mon entreprise/organisation ne respecte pas les règles en matière de protection des données ? ».

(8) « Fausse fiche de paie, faux diplôme : quand l’IA facilite tout ! » Intelligence-artificielle.com mis à jour le 7 avril 2025

(9) « Date, montant… Les bluffantes fausses notes de frais de ChatGPT facilitent la vie des fraudeurs », Le Figaro, 4 avril 2025

(10) Articles. L.1321-4 et suivants du code du travail.

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Henri Guyot, ærige avocats
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Dans cette chronique, Henri Guyot, avocat associé au sein du cabinet ærige avocats, interroge les multiples facettes de l’intelligence artificielle et les risques liés à son utilisation. Les entreprises se doivent d’élaborer une stratégie de déploiement articulée autour de la formation et de l’information des salariés.
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Henri Guyot
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Créée par la loi du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle homologuée est exclusive de la démission et du licenciement. Elle intervient d’un commun accord entre l’employeur et le salarié et ne peut être imposée par l’une ou l’autre partie. Elle résulte d’une convention signée par l’employeur et le salarié, qui atteste de leur consentement mutuel (article L.1237-11 du code du travail).

La rupture conventionnelle conclue par un salarié protégé doit être autorisée par l’inspection du travail…

Lorsqu’une rupture conventionnelle est conclue entre un employeur et un salarié protégé, quelques règles particulières de procédure s’appliquent. Notamment, la rupture n’est pas soumise au contrôle de la Dreets mais à celui de l’inspection du travail.

Selon le Conseil d’Etat, l’inspecteur du travail doit vérifier qu’il est bien saisi d’une demande d’autorisation de rupture conventionnelle au sens des articles L.1237-11 et suivants du code du travail, que la procédure et les garanties fixées par le code du travail ont bien été respectées (négociation de la convention, contenu, indemnité de rupture et observation du délai de rétractation) et que les parties ont librement consenti à cette rupture, qui ne doit pas avoir été imposée.

L’inspecteur du travail doit en outre vérifier, au vu des pièces du dossier, qu’aucune circonstance en rapport avec le mandat exercé par le salarié ou avec son appartenance syndicale n’a vicié son consentement. Le consentement du salarié protégé à la rupture n’est en effet pas libre s’il a été extorqué par l’employeur ayant exercé des pressions sur lui pour obtenir son départ de l’entreprise, en raison de ses fonctions représentatives.

… qui ne peut refuser de l’autoriser, en cas de harcèlement, qu’en présence d’un vice du consentement…

Si l’inspecteur du travail constate que le salarié fait l’objet d’un harcèlement ou d’une discrimination en lien avec son mandat, doit-il systématiquement refuser d’autoriser la rupture conventionnelle ?

Le Conseil d’Etat a déjà répondu à cette question par la négative, dans une décision du 13 avril 2023, reprenant à son compte un principe posé par la Cour de cassation à propos des salariés non protégés, selon lequel « en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture » (arrêt du 23 janvier 2019). Seul le vice du consentement qui résulterait du harcèlement ou de la discrimination justifie l’annulation de la rupture. Or, tel n’était pas le cas, en l’espèce, selon le juge administratif, qui s’est notamment appuyé sur l’ancienneté des manquements de l’employeur et les conditions de conclusion de la convention de rupture. Il appartient donc à l’inspecteur du travail et, en cas de litige, au juge administratif, d’examiner au cas par cas les circonstances de fait pour déterminer si le consentement du salarié a été vicié (Conseil d’Etat, 13 avril 2023).

Le Conseil d’Etat a confirmé cette position dans une décision du 16 mai 2025.

Il y rappelle que l’existence de faits de harcèlement moral n’est pas de nature, par elle-même, à faire obstacle à ce que l’inspection du travail autorise une rupture conventionnelle, sauf à ce que ces faits aient vicié le consentement du salarié.

… ce qui, en l’espèce n’a pas été établi

Dans cette affaire, l’inspection du travail avait autorisé la rupture conventionnelle du contrat de travail d’une salariée protégée, membre du CSE.

La salariée conteste en justice la légalité de cette décision, au motif que son consentement à la rupture de son contrat avait été vicié par le harcèlement moral qu’elle avait subi et que l’employeur s’était fait assister par la DRH lors des entretiens alors qu’elle-même n’avait pas eu recours à une assistance.

Le tribunal administratif lui donne raison, estimant qu’elle avait bien été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, mais ce dernier conteste le jugement.

Le Conseil d’Etat rappelle en premier lieu que l’inspecteur du travail doit vérifier que la rupture conventionnelle n’a été imposée à aucune des parties et que la procédure et les garanties prévues par les dispositions du code du travail ont été respectées. « A ce titre, il lui incombe notamment de vérifier qu’aucune circonstance, en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par le salarié ou avec son appartenance syndicale, n’a été de nature à vicier son consentement ».

Puis il réaffirme que l’existence de faits de harcèlement moral ou de discrimination syndicale, commis par l’employeur au préjudice du salarié protégé n’est, par elle-même, pas de nature à faire obstacle à ce que l’inspection du travail autorise une rupture conventionnelle, sauf à ce que ces faits aient, en l’espèce, vicié le consentement du salarié.

► Comme précisé plus haut, le Conseil d’Etat a déjà pris position en ce sens en 2023.

Or, en l’espèce, comme le soutenait l’employeur, la salariée, qui était placée en arrêt de travail depuis le 9 mars 2020, était accompagnée par une avocate et avait eu plusieurs échanges avec le médecin du travail dans les semaines précédentes, avait elle-même sollicité le 20 novembre 2020 une rupture conventionnelle, son employeur, qui n’en était pas à l’initiative, n’ayant pas fait pression pour qu’elle accepte une telle rupture. Par ailleurs, la convention de rupture n’avait été signée que le 10 décembre 2020, après deux entretiens avec son employeur espacés de plus d’une semaine.

► Quant à l’argument de la salariée selon lequel l’employeur s’était fait assister lors des entretiens préalables à la signature de la convention alors qu’elle s’y était présentée seule, le Conseil d’Etat considère qu’il ne ressort pas de l’enquête contradictoire de l’inspecteur du travail que la présence de la DRH lors de ces deux entretiens ait eu comme effet d’exercer une contrainte ou une pression de nature à vicier son consentement.

En définitive, le Conseil d’Etat annule le jugement du tribunal administratif pour qualification inexacte des faits car, contrairement à la Cour de cassation qui laisse à l’appréciation souveraine des juges du fond le constat des vices du consentement, le juge administratif suprême opère un contrôle de qualification juridique sur l’existence d’un tel vice. Et, réglant l’affaire au fond, il décide que la décision de l’inspecteur du travail n’est par conséquent pas entachée d’illégalité.

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Delphine de Saint Remy
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En l’absence de vice du consentement, le harcèlement moral subi par un salarié protégé ne suffit pas à faire obstacle à ce que l’inspection du travail autorise la rupture.
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Une enquête de l’institut Discurv pour Mendo, technologie intégrée qui accompagne et forme les salariés dans les solutions d’IA générative, menée en ligne du 19 au 23 mai 2025 auprès d’un échantillon national de 1 000 personnes âgées de 18 ans et plus représentatif de la population française, révèle les paradoxes de l’IA au travail. 

Ainsi un Français sur deux affirme ne pas utiliser l’IA au travail. Plus de la moitié des Français pense d’ailleurs qu’il sera toujours possible de travailler sans avoir recours à l’IA dans les cinq prochaines années.

Toutefois, pour 47 % des personnes interrogées, l’IA pourrait contribuer à réduire la charge mentale au travail. Les jeunes actifs de 18 à 34 ans sont particulièrement sensibles aux avantages procurés par l’IA. 67 % d’entre eux estiment que l’IA peut alléger leur charge mentale (contre 40 % chez les 50-64 ans).

Pour celles et ceux qui utilisent l’IA de manière régulière dans leur vie professionnelle, 63 % pensent qu’elle leur fait gagner du temps en leur permettant de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée.

Mais l’IA génère aussi des craintes. 51 % des personnes interrogées expriment le risque de déshumanisation, 50 % la peur du remplacement et une forme de pression sur la productivité pour près de 45 %.

Près de 70 % des Français déclarent ne pas avoir été formés à l’utilisation d’outils intégrant de l’IA et 50 % ne se sentent pas suffisamment accompagnés pour comprendre et utiliser ces outils.

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Florence Mehrez
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La Cour de cassation a donné une définition précise de la faute grave ; celle-ci est caractérisée par la réunion de trois éléments :

  • la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié personnellement (arrêt du 23 février 2005) ;
  • le ou les faits incriminés doivent constituer une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise. Ainsi la faute grave ne peut être retenue pour des faits étrangers à la relation de travail (arrêt du 25 avril 1990) ;
  • « la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (arrêt du 27 septembre 2007).

► Aucune autre condition n’est nécessaire et particulièrement pas l’intention de nuire de la part du salarié (arrêt du 7 mai 1986) ni la preuve d’un préjudice particulier pour l’employeur (arrêt du 8 novembre 1990).

En cas de faute grave, la procédure doit être engagée rapidement…

Le troisième élément signalé ci-dessus est essentiel. Il faut, en effet, que la poursuite de la relation contractuelle pendant les quelques semaines de préavis soit rendue impossible par les faits incriminés (et non pas seulement plus difficile), pour que la faute grave puisse être retenue. La mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire. 

La Cour de cassation a maintes fois rappelé ce principe (notamment arrêt du 16 juin 1998arrêt du 6 octobre 2010 ; arrêt du 24 novembre 2010arrêt du 17 novembre 2011arrêt du 28 janvier 2014), et en dernier lieu dans un arrêt rendu le 27 mai dernier.

… et les juges se doivent de vérifier que cela a bien été le cas

Dans l’affaire du 27 mai 2025, une salariée licenciée pour faute grave saisit la justice, estimant que la qualification de faute grave ne pouvait être retenue puisque l’employeur avait eu connaissance des griefs formés à son encontre à l’occasion d’un contrôle effectué le 11 octobre 2019 et qu’il n’avait engagé la procédure de licenciement que le 21 novembre 2019, soit près d’un mois et demi plus tard, sans que cela ne soit justifié par des investigations complémentaires.

Elle est déboutée par la cour d’appel, qui considère que les griefs de l’employeur étaient établis, le fait de s’affranchir des règles internes de fixation et de contrôle du temps de travail en profitant d’une délégation donnée pendant l’absence d’une autre salariée étant constitutif d’une faute grave.

La salariée se pourvoit en cassation, estimant que les juges du fond avaient retenu la qualification de faute grave sans vérifier si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint.

Elle est entendue par la chambre sociale, qui rappelle en premier lieu la position défendue par celle-ci selon laquelle « la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire ». Or, la cour d’appel n’avait pas recherché, comme elle y avait été invitée, si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint après la constatation par l’employeur des faits imputés à la salariée. L’arrêt est cassé et l’affaire sera rejugée devant une autre cour.

Le délai restreint, une notion qui dépend beaucoup des circonstances de fait

En effet, c’est aux juges du fond qu’il appartient de se pencher sur la « réactivité » de l’employeur dans la mise en oeuvre de la procédure de licenciement pour faute grave, sachant que la notion de délai restreint dépend beaucoup des circonstances de fait. La Cour de cassation se charge, elle, de vérifier que les juges du fond ont bien contrôlé cet élément avant de caractériser la faute grave. Ces mêmes juges doivent pour cela également apprécier si les circonstances nécessitaient des vérifications ou enquêtes pour l’appréciation du degré de gravité de la faute commise.

A titre d’exemples, il a déjà été jugé que la faute grave ne peut être prononcée :

  • si l’employeur a accepté que le contrat de travail se poursuive pendant la durée du préavis, même sous un contrôle particulièrement strict (arrêt du 12 juillet 2005) ;
  • s’il reconnaît expressément au salarié son droit à préavis, même s’il a été dispensé de l’exécuter (arrêt du 21 novembre 2000 ; arrêt du 23 novembre 2010) ;
  • ou encore si le salarié, licencié pour faute grave par lettre du 22 décembre, a poursuivi son travail dans l’entreprise jusqu’au 31 décembre (arrêt du 9 octobre 2024). 

De même lorsque l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable deux mois moins un jour après la connaissance des faits fautifs (arrêt du 22 janvier 2020), plus de trois semaines après la connaissance des faits (arrêt du 23 octobre 2012), ou plus de cinq semaines après celle-ci (arrêt du 6 octobre 2010). 

En revanche, un délai de huit jours entre la commission des faits et la convocation à l’entretien préalable ne peut priver l’employeur du droit d’invoquer la faute grave (arrêt du 8 octobre 1992). L’employeur a également agi dans un délai restreint dès lors que le fait reproché au salarié s’était produit le 17 septembre et que l’employeur avait introduit la procédure de licenciement le 8 octobre (soit dans un délai de 21 jours) (arrêt du 4 mai 2017).

► L’engagement « tardif » de la procédure peut être validé par les juges lorsqu’il est établi qu’un délai a été nécessaire après révélation de la faute commise par le salarié notamment pour s’assurer de l’existence même de cette faute, ou pour en apprécier la gravité (arrêt du 12 octobre 1983 ; arrêt du 10 mars 1993).

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Delphine de Saint Remy
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Si le salarié licencié pour faute grave saisit la justice au motif que l’employeur n’a pas engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint, le juge du fond doit rechercher si l’employeur a été suffisamment réactif.
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