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Dans un rapport sur l’intelligence artificielle (IA), l’Institut national de recherche en sciences et technologies numériques (Inria) et le club Datacraft pointent le fait que si les salariés bricolent eux-mêmes avec l’IA, c’est souvent faute de mieux dans leur entreprise ; certes, ils participent à une forme d’innovation et de recherche de performance, mais ce faisant, ils peuvent aussi prendre des risques et en faire prendre à leur organisation. Aussi faut-il dépasser ces pratiques.

Des grands discours mais des outils peu adaptés

L’arrivée de ChatGPT d’OpenAI à l’automne 2022 a démocratisé l’usage de l’intelligence artificielle. Dès 2023, 18 % des employés français utilisaient l’IA générative au travail, plus de la moitié d’entre eux le faisant en dehors d’un cadre défini par les employeurs.

Si les usages informels de l’IA sont si présents dans les sociétés étudiées (1), si les salariés « bricolent » autant dans leur coin, c’est d’abord parce que les entreprises ont du mal à passer des grands discours sur l’IA aux actes. C’est-à-dire à transformer des ambitions stratégiques sur l’intelligence artificielle en usages réels sur le terrain découlant d’une véritable politique « d’industrialisation de l’IA ». Et lorsque ces projets IA d’entreprise sont industrialisés (dans 20 % des cas seulement), ils ne concernent pas tous les métiers ni ne sont en prises avec le travail réel. Ces projets sont construits d’en haut, dans une logique gestionnaire de rationalisation, d’automatisation et de standardisation. « Ce décalage provoque une forme de rejet ou d’indifférence des professionnels, qui peinent à voir l’utilité ou la légitimité de ces outils dans leur contexte », écrit l’Inira.

Aussi les salariés font-ils leur propre cuisine pour développer des usages correspondant à leurs besoins réels, qu’il s’agisse de traduire un texte, de mieux le structurer, de faire une veille, de reformuler un mail ou de chercher des idées.

Ils n’en parlent pas à leur hiérarchie, mais testent et expérimentent à leur niveau. Comme les Shadoks sachant pomper, le « savoir prompter » devient une compétence-clef.

 

Deux témoignages sur les usages

Elisabetta, commerciale dont le Français n’est pas la langue maternelle :

« Avec ChatGPT, très rapidement, c’était le grand amour. J’écris beaucoup de mails de prospection et de relance à des interlocuteurs variés. Et même si tu écris bien et sans faute, il y a quand même différents types de langage à utiliser pour différents types d’interlocuteurs. On m’avait déjà fait remarquer que mes relances étaient « cavalières » (..) ChatGPT m’a aidé à apprivoiser cette différence culturelle entre l’Italie et la France. J’écris le mail, puis je demande à ChatGPT de le transformer de manière corporate (..) Ce genre d’outils me suggère des modalités de communication qu’en tant qu’étrangère, je n’aurais pas eues ».

Maud, experte-comptable

« Pour la collecte d’informations, très chronophage, ChatGPT me sert de moteur de recherches augmenté (..) Je compare aussi des données d’entreprises de plusieurs pays (..) L’IA fait office de traducteur de normes d’un pays à l’autre, d’un système comptable à l’autre. Je l’utilise aussi pour m’apprendre des choses. Par exemple, j’avais un graphique à produire sur Excel et je ne savais pas comment le faire, et ChatGPT m’a donné en cinq minutes un mode d’emploi. C’est un peu le professeur Nimbus, il sait tout et il me dépanne ». 

 

Le côté obscur de l’IA solitaire

Cet usage solitaire, non encadré et non officiel, traduit une forme « d’ingéniosité professionnelle » : comment puis-je améliorer mon travail moi-même ?  On comprend que nombre d’entreprises n’osent pas s’y opposer.

Mais il pose aussi de sérieux problèmes.

Du côté de l’entreprise, des informations sensibles voire confidentielles peuvent prendre la poudre d’escampette dans des serveurs extérieurs : « 8,5 % des invites soumises aux outils de génération IA contiennent des données sensibles, soit un prompt sur 12 », selon une étude de fin 2024 d’Harmonic Research.

Exemple de ces risques : demander à l’IA de reformuler un mail commercial en indiquant le client et son adresse ; préparer avec ChatGPT une note destinée à une direction, etc. Mais le risque est aussi celui d’une banalisation, d’une dégradation du travail obtenu : « Il est tentant de demander un avis à ChatGPT et de reprendre sa réponse sans réelle analyse. Mais si tout le monde fait ça, pour les appels d’offres et les recommandations, tout finira par se ressembler », dit un professionnel.

D’autre part, les modèles d’IA générative peuvent aussi se tromper et induire les salariés en erreur. Le rapport souligne d’ailleurs l’importance de l’esprit critique pour mieux tirer partie de l’IA. Problème : cette compétence est peu valorisée dans des organisations qui la perçoivent comme négative et nuisible. On rejoint là les carences du management à la française, où la loyauté est vue d’abord comme de l’obéissance.

Du côté des salariés, ces pratiques cachées n’ont pas que des avantages. Elles génèrent « inconfort moral et pression psychologique ». Une culpabilisation liée à la peur de « tricher » et d’être sanctionné. Pour les auteurs du rapport (2), cet usage individualisé peut favoriser la compétition (par exemple : j’ai trouvé comment gagner du temps et je garde cette solution pour moi) et fragiliser la cohésion des collectifs de travail : il empêche la construction de règles partagées autour d’un bon travail sur l’IA. Par exemple, le recours à l’IA peut remplacer les interactions entre collègues, qui se pratiquaient pour relire, échanger ou créer, ce qui affaiblit la circulation des savoirs et donc l’apprentissage collectif. 

Comment dépasser cette situation de « bricolage » ?

Face aux pratiques clandestines de l’IA par les salariés (« Shadow IA »), le rapport identifie plusieurs attitudes de la part d’entreprises, allant d’une forme de permissivité (à droite) ou au contraire d’une forte dissuasion (à gauche), comme on le voit dans le schéma ci-dessous. 

Inria

Mais quelle est la bonne attitude du point de vue de l’entreprise ?

Déjà, « reconnaître l’ampleur du phénomène ». L’Inria préconise de fixer rapidement « des premiers garde-fous avec les directions-métiers ».

Ensuite, favoriser la communication entre pairs pour « favoriser les échanges de bonnes pratiques ». Il s’agit ici de parler des expériences réelles : « Qu’avez-vous réellement obtenu en utilisant l’IA pour cette tâche ? » « Quel écart percevez-vous entre ce que vous attendiez et le résultat apporté par l’IA ? » « Quels critères de qualité de travail souhaitez-vous préserver, adapter ou faire évoluer avec l’IA (exemples : précision, créativité, autonomie, rigueur, etc.) ? » « Dans quelles situations l’IA vous semble-t-elle utile et dans lesquelles devient-elle problématique ou contre-productive (exemples : perte de sens, trop de standardisation, déqualification, etc.) ? »

Faire de l’IA un thème de discussions avec les IRP et les salariés

Enfin, « sécuriser » en rendant accessible « des outils validés » et en « clarifiant les conditions d’usage » dans un cadre légal. Par « cadre légal », les auteurs ne décrivent pas un règlement, mais « un objet de dialogue interfonctionnel et social », d’autant plus légitime « s’il est construit avec les représentants du personnel et nourri par les retours terrain ».

Ce chantier, prévient le rapport, ne doit pas reposer « sur une gouvernance technocentrée », autrement dit être pilotée par une direction fonctionnant en vase clos. 

Pour « mettre le travail au centre » d’une stratégie IA, l’Inria suggère d’associer à la construction de ce cadre les directions informatiques, les métiers de l’entreprise, les directions juridiques, les ressources humaines, les salariés eux-mêmes (qui peuvent être invités à dire comme ils effectuent leurs « meilleurs prompts », c’est-à-dire comment ils rédigent leurs meilleures requêtes pour obtenir une réponse adéquate de l’IA) et les représentants du personnel.

« Les instances de représentation du personnel, dit clairement le rapport, doivent être informées, consultées et associées tout au long du processus, dans le respect du dialogue social technologique ».

 

(1) Le rapport s’appuie sur une enquête qualitative menée auprès de « 14 organisations pionnières » : Airbus, Assurance Maladie, Believe, CHU de Montpellier, Crédit Agricole, Ekimetrics, L’Oréal, MAIF, Malakoff Humanis, Métropole de Montpellier, ministère des Armées, Région Ile-de-France, Skyrock, Veepee. 

(2) L’auteur du rapport est Yann Ferguson, directeur scientifique du LaborIA à l’Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique). Il a coordonné le travail d’Isabelle Hilali, Edouard Havis, Jean-Michel Lefèvre, Laurence Mari, Julia Savali, et Jeanne Godard, cette dernière étant membre de Datacraft, un club de data scientists et d’ingénieurs de 50 grandes entreprises.

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Bernard Domergue
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Sous le nom de « shadow AI », l’Inria s’intéresse aux pratiques clandestines de l’intelligence artificielle par les salariés. Ces pratiques, qui visent l’efficacité et le gain de temps, s’expliquent aussi par l’absence d’outils et de règles adéquats. Les entreprises peuvent sortir de ce « shadow IA » par le haut, et « de façon négociée », en mettant le travail au centre du projet.
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Reprochant notamment à son employeur un manquement à son obligation de sécurité, un salarié responsable des ventes, saisit les prud’hommes de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de rappels de salaires, notamment au titre des heures supplémentaires. Son licenciement lui a ensuite été notifié. 

En juin 2023, la cour d’appel de Paris a condamné l’employeur à payer au salarié diverses sommes et a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, tout en notant que le salarié VRP « ne démontrait pas qu’il ne disposait pas d’autonomie et d’indépendance dans l’organisation et l’exercice de son travail de représentation, qu’il fixait lui-même ses heures de réunion et qu’il n’était pas soumis à un horaire déterminé ». La société s’est pourvue en cassation.

L’employeur n’a pas justifié des mesures prises pour assurer la protection de la santé du salarié

Comme le rappelle la Cour de cassation dans sa décision de 2 avril 2025, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité envers les salariés qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. S’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, il ne pourra pas lui être reproché d’avoir manqué à cette obligation.

L’article L.4121-1 prévoit notamment que les mesures à prendre pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs comprennent des actions d’information et de formation et « la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ». L’article L.4121-2 est quant à lui celui qui liste les neufs principes de prévention qui servent à guider l’employeur dans l’élaboration et la mise en œuvre de sa politique de prévention.

Or, dans cette affaire, l’employeur s’était contenté d’affirmer n’avoir commis aucun manquement sans justifier des mesures prises pour assurer la protection de la santé du salarié. Alors que les plannings de travail de l’intéressé et les attestations communiquées aux juges démontraient une quantité importante de travail. En plus, les faits montraient que « le salarié avait été soumis à un rythme de travail préjudiciable à sa santé et à son équilibre, et n’avait pas toujours pu bénéficier du temps de repos nécessaire à une récupération effective, propice à éviter toute altération de son état de santé », retient la Cour de cassation, qui précise que « le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ».

Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité était donc bien établi, ce qui justifiait la résiliation judiciaire à ses torts du contrat de travail du salarié. Le salarié, qui se plaignait notamment d’une surcharge de travail, obtient gain de cause.

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Frédéric Aouate
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Le fait de soumettre le salarié à un rythme de travail préjudiciable à sa santé et à son équilibre, sans temps de repos nécessaire à une récupération effective, caractérise un manquement à l’obligation de sécurité. Illustration avec une jurisprudence du 2 avril 2025.
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Jeudi 3 juillet, en fin d’après-midi, les députés ont achevé l’examen du projet de loi transposant les accords nationaux interprofessionnels relatifs à l’emploi des seniors, au dialogue social, à l’assurance chômage et aux transitions professionnelles. Une trentaine d’amendements ont été adoptés. Nous détaillons les changements apportés par les députés.

Une refonte des dispositifs de transition professionnelle (articles 3 et 10)

Les partenaires sociaux ont réussi à finaliser un accord sur les transitions professionnelles dans les temps, permettant au gouvernement d’en introduire les principales dispositions dans le projet de loi par amendements.

Premier changement notable : la refonte des entretiens professionnels. Renommés « entretiens de parcours professionnel », ces rendez-vous obligatoires voient leur rythme modifié. Là où la loi actuelle impose un entretien tous les deux ans, complété par un bilan tous les six ans, le nouveau dispositif prévoit un espacement à quatre ans pour l’entretien classique et à huit ans pour le rendez-vous bilan.

Cette réforme, inscrite à l’article 3 du projet de loi, s’accompagne d’une attention particulière portée aux nouveaux arrivants. Tout salarié fraîchement embauché bénéficiera désormais d’un premier entretien de parcours professionnel dans l’année suivant son recrutement. Ce dernier sera conduit par un supérieur hiérarchique.

Pour les entreprises de moins de 300 salariés, un soutien spécifique est prévu. Les salariés pourront s’appuyer sur le conseil en évolution professionnelle (CEP) de proximité pour préparer cet entretien tandis que les employeurs bénéficieront de l’expertise de leur opérateur de compétences (Opco). Un accompagnement par un organisme externe reste également possible dès lors qu’un accord de branche ou d’entreprise le prévoit.

L’innovation la plus marquante du texte réside dans la création d’une « période de reconversion à l’initiative de l’entreprise », prévue à l’article 10. Cette mesure fusionne deux dispositifs existants : « Transitions collectives » et « Pro-A ». L’objectif affiché est d’offrir aux salariés une voie d’accès simplifiée vers une certification professionnelle, un certificat de qualification professionnelle ou des blocs de compétences.

Le financement de cette période de reconversion sera assuré par l’Opco mais le salarié aura la possibilité de mobiliser son compte personnel de formation (CPF). Les modalités diffèrent selon le type de reconversion : 50 % des droits acquis peuvent être utilisés pour une reconversion interne, contre 100 % pour une reconversion externe.

Dans les deux cas, un accord écrit est nécessaire afin d’organiser les modalités de la période de reconversion, notamment la durée.

Le législateur a repris les garde-fous arrêtés par les partenaires sociaux. Les bénéficiaires de ce dispositif conservent un droit de retour dans leur entreprise d’origine pendant toute la durée de la période d’essai dans leur nouvelle structure. A l’issue de cette période, deux options s’offrent à eux : réintégrer leur entreprise d’accueil ou voir leur contrat initial rompu dans le cadre d’une rupture conventionnelle individuelle.

De plus, les entreprises de 300 salariés et plus doivent disposer d’un accord collectif pour encadrer cette période de reconversion tandis que pour les entreprises entre 50 et 299 salariés, il sera possible de se fonder sur une décision unilatérale de l’employeur, en cas d’échec de la négociation préalable. Pour les entreprises de moins de 50 employés, le dispositif pourra être mis en place unilatéralement sans obligation de négociation préalable.

Le projet de loi redéfinit également la gouvernance du système, avec deux articles additionnels, insérés après l’article 10.

Le pilotage des dispositifs de reconversion et de transition reposera désormais sur un double mécanisme. D’une part, un espace stratégique quadripartite réunira les partenaires sociaux (représentants des salariés et des employeurs), les régions et l’Etat. Cette instance aura pour mission de favoriser la coordination entre les différents acteurs et de mettre à disposition les analyses, indicateurs et données nécessaires au bon fonctionnement du système.

D’autre part, l’association Certif pro (association nationale pour la certification paritaire interprofessionnelle et l’évolution professionnelle) verra ses missions considérablement renforcées. Elle devra notamment animer le réseau des 18 associations Transition pro (ATPro), définir les orientations nationales en matière de financement des projets de transition professionnelle, contribuer aux travaux sur le conseil en évolution professionnelle et veiller au bon fonctionnement du système d’information.

Enfin, l’article 3 du projet de loi introduit dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) mise à disposition du CSE de l’entreprise un bilan de la mise en œuvre des actions de formation entreprises à l’issue des entretiens de parcours professionnels.

La négociation collective sur les salariés expérimentés enrichie (article 2)

L’article 2 du projet de loi instaure une obligation de négocier sur les salariés expérimentés au niveau des branches professionnelles et des entreprises d’au moins 300 salariés. 

Les députés ont enrichi la négociation (items en gras). 

La négociation devra ainsi porter sur (sauf dispositions conventionnelles spécifiques) :

  • le recrutement de ces salariés ;
  • leur maintien dans l’emploi ;
  • l’aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d’accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;
  • la transmission de leurs savoirs et compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences ; 
  • la santé au travail et la prévention des risques professionnels ;
  • l’organisation et les conditions de travail.

Les deux thèmes ainsi ajoutés étaient auparavant mentionnés dans la rubrique des thèmes optionnels ci-dessous.

D’autres sujets pourront y être ajoutés : 

  • le développement des compétences et l’accès à la formation ;
  • les effets des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ;
  • les modalités d’écoute, d’accompagnement et d’encadrement de ces salariés ;
  •  les modalités de management du personnel.

S’agissant de la négociation d’entreprise, les députés y ont également ajouté l’obligation pour l’employeur d’examiner la possibilité de mobiliser le fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle (Fipu).

Visite médicale : les informations dont peut avoir connaissance l’employeur (article 3)

Le projet de loi prévoit de mieux lier la visite médicale de mi-carrière du salarié avec l’entretien de parcours professionnel, afin que celui-ci constitue un bilan incluant les aspects relatifs aux préconisations du médecin du travail, ses compétences, ses qualifications, sa formation, ses souhaits de mobilité, aux actions de prévention de la désinsertion et de l’usure professionnelles.

Un débat a eu lieu sur l’étendue d’information de l’employeur sur l’état de santé du salarié. En commission des affaires sociales, les députés avaient adopté un amendement visant à préciser que l’employeur ne pourra pas avoir accès aux informations issues de la visite médicale de mi-carrière, même pour préparer l’entretien de mi-carrière qui doit avoir lieu dans les deux mois suivants. 

En séance publique, un ajustement rédactionnel a été adopté afin d’indiquer que l’employeur ne pourra pas accéder aux seules « données de santé du salarié ». « Si l’employeur ne doit pas avoir accès aux données médicales qui relèvent du secret professionnel et de la déontologie de tout médecin quelle que soit sa spécialité, mentionner l’impossibilité pour l’employeur d’accéder aux « résultats de la visite » est susceptible de prêter à confusion et l’empêcher juridiquement d’avoir accès aux mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou aux mesures d’aménagement du temps de travail éventuellement proposées par écrit par le médecin du travail à la suite de la visite, après échange avec le salarié et l’employeur », a précisé Stéphane Viry, l’un des rapporteurs du texte dans l’exposé des motifs de son amendement.

Justification du refus d’un passage en retraite progressive (article 5)

Le projet de loi renforce l’encadrement des motifs de refus de l’employeur saisi d’une demande de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive. « La justification apportée par l’employeur rend notamment compte des conséquences de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des tensions pour y procéder sur le poste concerné ». La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait entendu supprimer l’adverbe « notamment », rétabli en séance publique. « Cette justification doit rendre compte des conséquences de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des difficultés pour y procéder sur le poste concerné. Mais cela n’a pas vocation à être exhaustif et la justification peut être enrichie d’autres éléments », a ainsi expliqué Nicolas Turquois, le second rapporteur du projet de loi dans l’exposé des motifs de son amendement.

Intégration d’une partie de l’accord sur le bonus-malus (article 9 bis)

Enfin, les députés ont introduit une partie de l’avenant finalisé par les partenaires sociaux sur le bonus-malus afin de lui donner la base légale nécessaire. Le 1° de l’article L.5422-12 du code du travail est ainsi complété afin d’ajouter dans les motifs de fin de contrat exclus du calcul du taux de séparation d’une entreprise les licenciements pour inaptitude d’origine non professionnelle et les licenciements pour faute grave ou faute lourde.

Le projet de loi doit désormais être examiné en commission mixte paritaire (CMP) mardi 8 juillet, avant une lecture des conclusions le 10 juillet au Sénat. La date de lecture à l’Assemblée nationale n’est pour l’heure pas connue mais elle doit avoir lieu au plus tard le 11 juillet, date à laquelle prend fin la session extraordinaire du Parlement.

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Anne Bariet et Florence Mehrez
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 ©  Bastien Ohier / Hans Lucas via AFP
Après le Sénat, c’est au tour de l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi transposant les différents accords nationaux interprofessionnels. Comme cela était prévu, le texte intègre les dispositions de l’ANI sur les transitions professionnelles. Zoom sur les changements opérés à l’Assemblée nationale.
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A la une (brève)

La proposition de loi visant à pérenniser le contrat de professionnalisation expérimental a été adoptée le 3 juillet 2025 au Sénat.

Constitué d’un article unique, le texte prévoit de pérenniser ce dispositif qui permet aux bénéficiaires d’acquérir tout ou partie de la formation via la validation de blocs de compétences et qui a pris fin le 31 décembre 2024.

La proposition de loi, pour laquelle la procédure accélérée a été enclenchée, doit désormais être examinée à l’Assemblée nationale.

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Florence Mehrez
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L’ancienneté est-elle reprise en cas d’embauche faisant suite à un prêt de main-d’œuvre à but non lucratif ? 

Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif est un dispositif qui permet à une entreprise d’origine de mettre un salarié à disposition d’une entreprise utilisatrice. Pour que le prêt soit considéré à but non lucratif, l’entreprise prêteuse ne doit facturer à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition (article L.8241-1 du code du travail).

Pendant la période de mise à disposition, le contrat de travail du salarié est maintenu avec son entreprise d’origine. Si à la fin de cette période, le salarié est recruté par l’entreprise utilisatrice, le code du travail ne prévoit rien en matière de reprise d’ancienneté dans l’entreprise d’origine.

Attention toutefois, certaines conventions collectives nationales prévoient une reprise d’ancienneté dans la profession. L’employeur doit donc bien veiller à consulter la CCN qui lui est applicable. 

Par exemple, dans le secteur de l’aide à domicile, l’ancienneté dans un emploi identique est prise en compte à 100 % pour le calcul du coefficient d’embauche. Dans les cabinets médicaux, il est prévu, pour le calcul de la prime d’ancienneté, que le personnel qui change de cabinet au cours de sa carrière bénéficie dans le nouveau cabinet de la moitié de l’ancienneté acquise dans le cabinet précédent pour un emploi analogue ou plus élaboré.

Qu’en est-il dans le cadre du travail temporaire ? 

La mise à disposition d’un salarié peut intervenir dans un autre cadre, celui du travail temporaire. Une entreprise de travail temporaire (ETT) met un salarié à disposition d’une entreprise utilisatrice pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dans le cadre d’un contrat de mission. L’ETT est l’employeur du salarié intérimaire. L’entreprise utilisatrice est quant à elle responsable de l’exécution de la mission (articles L.1251-1 et L.1251-6 du code du travail). 

L’article L.1251-38 du code du travail prévoit que lorsque l’entreprise utilisatrice embauche, après une mission, un salarié mis à sa disposition par une entreprise de travail temporaire, la durée des missions accomplies au sein de cette entreprise au cours des trois mois précédant le recrutement est prise en compte pour le calcul de l’ancienneté du salarié.

Un CDD qui est transformé en CDI entraîne-t-il une reprise d’ancienneté ?

En cas de passage d’un CDD en CDI, sans aucune interruption, le salarié conserve l’ancienneté qu’il avait acquise au terme du CDD (article L.1243-11 du code du travail ; circulaire DRT n° 14 du 29 août 1992). En revanche, si les deux contrats de travail sont séparés par une interruption de travail, il n’y a pas de reprise d’ancienneté. C’est notamment ce qu’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 16 octobre 1996

Une exception existe toutefois pour les CDD saisonniers. L’article L.1244-2 du code du travail indique ainsi que pour calculer l’ancienneté du salarié, les durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs dans une même entreprise sont cumulées.

Qu’en est-il en matière d’apprentissage et de stage ?

L’article L.6222-16 du code du travail prévoit que si le contrat d’apprentissage est suivi de la signature d’un CDI, d’un CDD ou d’un CTT dans la même entreprise, la durée du contrat d’apprentissage est prise en compte pour le calcul de la rémunération et l’ancienneté du salarié.

Quant au stage, l’article L.1221-24 du code du travail impose la reprise d’ancienneté lorsque le stagiaire est embauché par l’entreprise à l’issue d’un stage d’une durée supérieure à deux mois. 

► A noter : dans le cas où le bulletin de paie mentionnerait une date d’entrée antérieure à la date d’effet du contrat de travail, la date d’ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d’ancienneté sauf à l’employeur à rapporter la preuve contraire (arrêt du 12 septembre 2018).

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Florence Mehrez et Charline Raymond (Appel expert)
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Chaque semaine, L’appel expert, service de renseignement juridique par téléphone du groupe Lefebvre Sarrut, répond à une question pratique que se posent les services RH.
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Si le plus souvent la date de la rupture conventionnelle homologuée du contrat de travail est fixée au lendemain du jour de l’homologation de la convention de rupture par l’administration, les parties peuvent néanmoins convenir d’une date de rupture ultérieure, comme les dispositions de l’article L.1237-13 du code du travail le permettent.

Mais, dans l’intervalle entre l’homologation de la convention et la date de la rupture prévue, différents évènements peuvent venir affecter le contrat de travail. C’est ainsi que, dans un arrêt du 25 juin 2025 destiné à être publié au bulletin de ses chambres civiles, la Cour de cassation se prononce sur les conditions et les effets du licenciement prononcé au cours de la procédure de rupture conventionnelle.

L’employeur apprend les fautes du salarié après l’homologation de la convention de rupture

En l’espèce, le 15 janvier 2018, un directeur commercial signe une convention de rupture qui prévoit le versement d’une indemnité spécifique de rupture s’élevant à 68 000 euros et fixe la date de la rupture de son contrat de travail au 30 juin suivant. Quelque temps après l’homologation de cette convention par l’administration, il est licencié pour faute grave, donc sans préavis ni indemnités, en raison d’agissements de harcèlement sexuel.

Son employeur refuse de lui verser l’indemnité convenue dans le cadre de la rupture conventionnelle. Il estime que la convention de rupture ne produit aucun effet en raison du licenciement.

Le salarié décide de saisir le conseil de prud’hommes, notamment d’une demande en paiement de cette somme.

En appel, les juges du fond le déboutent de cette demande et jugent que la rupture conventionnelle est non avenue, car le licenciement a rompu le contrat de travail avant la date d’effet de la convention de rupture.

Le licenciement prononcé après l’homologation n’affecte pas la validité de la rupture conventionnelle

Pour la Cour de cassation, qui casse l’arrêt d’appel au visa des articles L.1237-11, L.1237-13 et L.1237-14 du code du travail, en l’absence de rétractation de la convention de rupture, l’employeur peut licencier le salarié pour faute grave, entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle, pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période.

Toutefois, elle estime que la créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée par la rupture, naît dès l’homologation de la convention. En effet, le licenciement n’affecte pas la validité de la rupture conventionnelle. Il a seulement pour conséquence, s’il est justifié, de mettre un terme au contrat de travail avant la date d’effet prévue par les parties dans la convention.

► A notre avis La Haute Juridiction énonce ici une solution nouvelle, qui s’inscrit toutefois pleinement dans sa jurisprudence. Elle a en effet estimé qu’en l’absence de rétractation de la convention de rupture un salarié ne peut prendre acte de la rupture du contrat de travail, entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période (arrêt du 6 octobre 2015). De plus, elle a déjà jugé, s’agissant d’un salarié décédé après la date d’homologation mais avant la date de rupture du contrat de travail, que la créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée par la rupture, naît dès l’homologation de la convention (arrêt du 11 mai 2022).

Dans l’arrêt du 25 juin 2025, en ne permettant pas au salarié d’exécuter son contrat de travail jusqu’au terme convenu dans la convention de rupture, la Cour de cassation porte atteinte à la force obligatoire du contrat (article 1103 du code civil). Elle vient cependant garantir l’exercice par l’employeur de son pouvoir de direction, dont le pouvoir de licencier est un des attributs.

On retiendra surtout que l’employeur peut licencier le salarié pour faute grave dès l’expiration du délai de rétractation pour des manquements survenus ou révélés après l’expiration de ce délai, mais que, s’il prononce le licenciement postérieurement à l’homologation de la convention, il est redevable du paiement de l’indemnité de rupture conventionnelle. Le licenciement pour faute grave reste ainsi assez « théorique » puisque le salarié ne perd pas son indemnité de rupture.

 

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Clément Geiger
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En cas de faute du salarié survenue ou révélée au cours de la procédure de rupture conventionnelle, l’employeur peut licencier le salarié avant la date de rupture initialement prévue. Mais, si la convention de rupture a été homologuée, l’indemnité de rupture conventionnelle doit être versée au salarié.
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