Lorsque l’employeur décide de renoncer à l’application d’une clause de non-concurrence, il doit respecter les modalités de forme et de délai prévues par le contrat de travail ou, à défaut, par la convention collective applicable (arrêt du 28 mars 2007).
Il est également tenu de respecter la jurisprudence de la Cour de cassation, qui veille au respect du principe selon lequel le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler. En ce sens, la Haute juridiction a déjà jugé que, en cas dispense de préavis, la date à partir de laquelle le salarié est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de l’indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires (arrêt du 13 mars 2013).
Elle en a déduit que l’employeur qui dispense le salarié de l’exécution de son préavis peut renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence au plus tard à la date du départ effectif de l’entreprise, en dépit de stipulations ou de dispositions contraires (arrêt du 21 janvier 2015).
Elle a également précisé, toujours en présence de dispositions ou stipulations contraires, que la renonciation doit intervenir, en cas de rupture résultant de l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise (arrêt du 2 mars 2017) et, en matière de rupture conventionnelle homologuée, au plus tard à la date de rupture fixée par la convention (arrêt du 26 janvier 2022).
Dans un arrêt du 29 avril 2025, la Cour de cassation fait application de cette jurisprudence dans le cas d’un licenciement pour inaptitude impliquant nécessairement l’absence de préavis.
En l’espèce, un salarié engagé en qualité de directeur artistique était lié par une clause de non-concurrence. Cette clause prévoyait des modalités de renonciation pour l’employeur, qui pouvait s’en libérer en prévenant le salarié par écrit dans le délai de 20 jours suivants la notification de la rupture du contrat de travail.
Le salarié, qui était en arrêt de travail, a été déclaré inapte par le médecin du travail puis a été licencié le 27 septembre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Comme le prévoit la procédure de licenciement pour inaptitude, le contrat de travail a été rompu sans préavis (article L.1226-4 du code du travail). Enfin, l’employeur a levé la clause de non-concurrence dans le cadre de la remise du certificat de travail au salarié, le 8 octobre 2018, soit 12 jours après le licenciement.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes, notamment d’une demande de paiement de la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence. Estimant la levée de la clause tardive, la cour d’appel a condamné l’employeur à payer au salarié la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence et les congés payés correspondants.
Devant la Cour de cassation, l’employeur faisait valoir que la renonciation à l’exécution de la clause de non-concurrence était valable car elle avait été notifiée au salarié dans le délai contractuellement prévu et que c’était en raison de l’avis du médecin du travail (et non en raison de celui de l’employeur) que le salarié n’avait pas exécuté son préavis.
La Haute juridiction, qui rejette le pourvoi de l’employeur, commence par rappeler sa jurisprudence aux termes de laquelle, en cas de rupture du contrat de travail avec dispense ou impossibilité d’exécution du préavis, le salarié est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence dès son départ effectif de l’entreprise.
Elle rappelle ensuite que, selon l’article L.1226-4 du code du travail, en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel, le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement.
Il en résulte, pour la Cour de cassation, qu’en cas de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires, dès lors que le salarié ne peut être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.
Dans cette affaire, l’employeur était donc bien redevable de la contrepartie financière faute d’avoir délié le salarié de son obligation au moment de son départ effectif de l’entreprise.
► C’est la première fois à notre connaissance que la Haute juridiction se prononce sur le délai de renonciation par l’employeur à une clause de non-concurrence lorsque le salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
