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Fin du suspense et du lancement de ballons d’essais dans la presse ces dernières semaines. Le Premier ministre a listé les économies envisagées pour le prochain budget. Devant plusieurs rangs de membres du gouvernement, François Bayrou est longuement revenu sur sa doctrine personnelle de réduction des dépenses publiques.

La dette, « cette malédiction », « un piège » qui fait que le pays « ne peut pas survivre », un endettement supplémentaire de « 5 000 euros par seconde », un « danger mortel » dont il veut se faire le protecteur. C’est pourquoi il a intitulé sa conférence de presse « Le moment de vérité », ajoutant qu’il avait porté le sujet lors de plusieurs campagnes présidentielles et que le hasard lui donne aujourd’hui « la charge d’en saisir le pays ».

Sauveur de la France mais lucide, il sait que le risque politique de la censure plane tout de même au-dessus de son gouvernement : « Il n’y a que des risques pour le gouvernement : sans majorité à l’Assemblée nationale, et les soutiens du gouvernement ne sont pas toujours convaincus…? Tout concourt donc au fatalisme et à ce qu’on ne fasse rien, le gouvernement sait qu’il est à la merci des oppositions ». Et si ce plan est présenté deux mois avant la période traditionnelle, c’est « pour laisser plus de temps à la réflexion et aux idées ».

Est-ce pour cette raison que François Bayrou dit accueillir toute autre proposition, qu’elle émane des partis politiques, des parlementaires, des partenaires sociaux, du Conseil économique social et environnemental, qui pourraient survenir pendant l’été ? Il espère sans doute consolider le consensus autour de ses mesures qui risquent de secouer la rentrée sociale, à commencer par le gel des prestations et la suppression de deux jours fériés.

Adieu le lundi de Pâques et le 8 mai ?

François Bayrou vise un retour à l’équilibre et la fin de l’augmentation de la dette par un plan pluriannuel sur quatre ans, de 2026 à 2029. Le déficit de 5,4 % en 2025 devra se réduire à 4,6 % en 2026, puis 4,1 % en 2027, 3,4 % en 2028 et enfin 2,8 % en 2029.

Cette trajectoire est accompagnée de grands principes : la baisse de la dépense publique, une participation de tous à un effort supportable. « Le travail et les entreprises doivent être épargnés » a précisé le Premier ministre, tout en annonçant un peu plus tard des mesures visant directement les salariés.

Au premier chef, il propose de supprimer deux jours fériés : le lundi de Pâques et le 8 mai. L’idée est de « réconcilier le pays avec le travail », sans toutefois que ce montant, lié à un surcroît de production, ne soit évoqué plus précisément que « plusieurs milliards ». Le Premier ministre se dit cependant ouvert à des propositions d’autres dates.

Emploi des jeunes et des seniors : une nouvelle réforme de l’assurance chômage

« Nous ne sommes pas assez nombreux à travailler, il faut augmenter la part de nos concitoyens qui travaillent », a affirmé le Premier ministre. Malgré deux accords très récents entre partenaires sociaux sur l’assurance chômage et les seniors (en novembre 2024) en cours de transposition dans la loi, François Bayrou veut relancer une négociation sur l’assurance chômage dans les prochaines semaines.

Syndicats et patronat ne vont donc pas tarder à recevoir une nouvelle lettre de cadrage. Il s’agira de modifier les conditions d’indemnisation de la rupture conventionnelle, accusée de remplacer à tort les démissions, de rendre les conditions d’affiliation « plus souples », d’affiner les conditions d’indemnisation voire d’augmenter la dégressivité des allocations, autant dans leur montant que dans leur durée de versement. Des points qui rappellent le projet de réforme porté par Gabriel Attal avant la dissolution, et que l’ancien Premier ministre devenu député à la faveur de la dissolution a depuis transformé en proposition de loi.

Améliorer la qualité du travail : une autre négociation en vue

Le deuxième négociation envisagée par le gouvernement, qui pourrait faire l’objet d’une lettre de cadrage fin août, concerne un objectif de « fluidification du marché du travail », l’idée semblant être d’étendre le champ de la négociation d’entreprise.

Le gouvernement veut « améliorer les conditions de travail, faciliter les recrutements, augmenter les offres de travail ». Ces orientations sont précisées par la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet : il s’agira d’aménager les contrats de travail à durée déterminée et indéterminée notamment des contrats intérimaires et de chantiers. Il sera question de réduire le délai permettant au salarié de contester son licenciement hors cas de harcèlement et de discrimination, de permettre la hausse du temps de travail, de monétiser la cinquième semaine de congés payés, de freiner le nombre d’arrêts de travail.

La ministre souhaite qu’il soit possible d’aborder ces sujets par accord. Elle vise également « une amélioration de la qualité du travail » en luttant contre le temps partiel subi des femmes (un chantier déjà évoqué en 2023 lors de la conférence sociale d’Elisabeth Borne). Du côté de la lutte contre les accidents du travail graves et mortels, elle veut réintroduire un dialogue social « de proximité » mais n’ouvre à aucun moment la voie d’un retour du CHSCT. Elle compte en revanche, même si cela reste vague, « intégrer le principe d’écoute dans les politiques de prévention ».

Comme contreparties, la ministre du travail évoque notamment un abaissement du seuil de représentation des salariés dans les conseils d’administration.

La « dérive » des arrêts maladie

Selon le Premier ministre, les contrôles sur les arrêts maladie de plus de 18 mois montrent que 50 % d’entre eux ne sont plus justifiés au moment du contrôle. Il ne précise cependant pas de mesure concrète pour y remédier mais dénonce « un autre blocage » : « Au-delà de 30 jours d’arrêt, la reprise du travail nécessite l’avis du médecin du travail. Mais comme nous en manquons, des gens qui souhaitent travailler de nouveau en sont empêchés ». C’est pourquoi l’avis sera basculé sur le médecin généraliste.

Catherine Vautrin a de son côté évoqué une évolution du complément de garde et du congé de naissance », un suivi renforcé des arrêts maladie et une réévaluation des patients en arrêt ». On le voit, un chantier sur les arrêts maladie sera nécessairement ouvert dans le PLFSS 2026.

Une « année blanche » pour les prestations sociales

Piste déjà lancée dans la presse, l’année blanche se confirme. Ce gel des prestations sociales rapporterait 7,1 milliards d’euros. Le Premier ministre rappelle qu’il s’agit de ne pas modifier en 2026  les montants perçus en 2025. Autrement dit, les prestations ne seront pas indexées comme chaque année. Toutes les prestations seraient concernées. « L’inflation aidera » précise François Bayrou pour alléger la blessure infligée aux plus fragiles puisqu’elle ne s’établirait qu’autour de 1 %. 

Les barèmes de l’impôt sur le revenu et de la CSG ne seront en revanche pas modifiés par rapport à 2025. Cependant, le gouvernement compte partir à la chasse de certaines niches sociales, en particulier celles qui bénéficient aux plus favorisés. L’abattement de 10 % pour frais professionnels des retraités sera supprimé et remplacé pour les plus fragiles par un forfait annuel avantageant les petites retraites.

Autre mesure de justice, une contribution de solidarité définie lors du vote du budget visera les plus hauts revenus, et sera accompagnée de mesures complémentaires pour lutte contre l’optimisation abusive des « patrimoines non productifs ». Par ailleurs, une « allocation sociale unifiée » sera créée pour rendre « la solidarité plus lisible ». Rappelons également, sur les retraites, que le PLFSS pour 2026 devrait reprendre les mesures issues du « conclave » sur les retraites des femmes, la pénibilité et l’abaissement à 66,5 ans de l’âge d’annulation de la surcote.

S’il n’est pas question pour l’instant de TVA sociale, le Premier ministre voit ces chantiers comme « un basculement d’assiette » consistant à chercher des sources de financement de la protection sociale ailleurs que dans le travail.  Il n’annonce pourtant pour l’instant aucun transfert de financements par des cotisations sociales vers de l’impôt.

François Bayrou accompagne cette mesure d’un plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale : un projet de loi sera déposé à l’automne et visera la détection, la sanction et le recouvrement des sommes fraudées. Un point qui doit particulièrement être travaillé : les organismes comme l’Urssaf sont aujourd’hui dépourvus de moyens juridiques de saisir les sommes sur les comptes en banque ou dans les patrimoines des fraudeurs. C’est pourquoi, sur les 16,6 milliards de détections de fraudes annoncées en 2024, seulement 11 milliards sont effectivement récupérés par les caisses. Il est donc souhaitable que le projet de loi inclue des mesures sur ce point.

L’année blanche concernera aussi les budgets des ministères, tous visés par l’austérité. Il sera également question de ne pas remplacer les départs d’un fonctionnaire sur trois partant en retraite et de réduire les emplois publics de 3 000 postes.

Simplification et travail sur les filières pour améliorer la production

Le chantier de la simplification revient ! François Bayrou saisit le sujet pour faire passer aux entreprises un travail sur les aides publiques. Il s’agira d’échanger une subvention contre plus de liberté. Une entreprise pourrait donc perdre une aide publique en échange d’une simplification administrative. François Bayrou entend ainsi tirer les leçons du rapport de la commission sénatoriale sur les aides publiques aux entreprises qui a chiffré à 211 milliards ces aides versées aux structures employant au moins 1 000 salariés.

Toutes les tailles d’entreprises seront concernées dans ce « donnant-donnant » que le Premier ministre ne comptabilise pas encore mais qu’il évalue à plusieurs milliards. Il sera aussi question d’améliorer l’accès des entreprises au financement, notamment européens. 900 millions d’euros y seront consacrés. Autre chantier en faveur des entreprises : les délais de paiement feront l’objet d’une sanction à hauteur de 1 % du chiffre d’affaires.

Précision de taille : ce chantier sera mené par ordonnances et non par un projet de loi. Lancé dès l’automne, il se poursuivra tout au long de l’année 2026. 

Enfin, l’Etat peut davantage travailler sur l’ensemble des filières plutôt que sur des dossiers isolés d’entreprises en difficulté. Dans une stratégie globale de redressement du commerce extérieur, il passera en revue les filières déficitaires afin de repérer les productions les plus propices à une installation en France plutôt qu’à l’étranger. Par ailleurs, les fonds de France 2030 seront davantage affectés à l’intelligence artificielle et à la cybersécurité. Et afin de remédier aux défauts de recrutements d’ingénieurs, François Bayrou soutient le plan « Filles et mathématiques » destinée à orienter plus de femmes dans les emplois scientifiques et déployé par la ministre de l’éducation Elisabeth Borne.

Toujours dans l’optique de favoriser la production, le ministre de l’économie, Eric Lombard a annoncé des réductions de coût de l’énergie au bénéfice des entreprises de la chimie (avec des contrats d’approvisionnement de 30 Terawatts/heure d’ici la fin de l’année) et un soutien de crédit d’impôt recherche au profit de l’industrie lourde, et notamment des entreprises de l’acier. La sidérurgie fera l’objet de « mesures de sauvegarde renforcée », effet sans doute du plan de sauvegarde de l’emploi d’ArcelorMittal. Pour l’automobile, il compte encourager le made in Europe et « muscler l’arsenal de défense commerciale contre la concurrence chinoise ». Enfin, pour favoriser les achats en France sur des circuits courts, une taxe sur les petits colis sera créée afin de protéger le commerce français « de la marée de concurrence déloyale ».

Nouvelles négociations interprofessionnelles, conférence sociale, préparation du budget, la rentrée s’annonce déjà très chargée sur le plan social… 

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Marie-Aude Grimont
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AFP
Mardi 15 juillet, François Bayrou a annoncé ses orientations budgétaires. 43,8 milliards seront piochés dans des suppressions de jours fériés, une nouvelle réforme de l’assurance chômage ou encore une « année blanche », c’est-à-dire le gel pendant un an des prestations sociales.
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Après la commission mixte partiaire qui s’est déroulée, mardi 8 juillet, le Sénat a adopté hier définitivement le projet de loi transposant les accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés, de l’évolution du dialogue social et des transitions professionnelles.

Les sénateurs ont enrichi le texte avec un amendement visant à préciser, dans l’article 12 du texte, le pilotage des fonds pour le financement du projet de transition professionnelle (PTP). Concrètement, l’amendement prévoit que France compétences transfère à l’association paritaire, Certif Pro, les crédits pour la prise en charge du projet de transition professionnelle. Ce transfert sera effectif au 1er janvier 2027.

Cette association sera chargée de déterminer les règles, critères et priorités de prise en charge des projets ainsi que la répartition des fonds entre les commissions paritaires interprofessionnelles régionales.

Une autre étape reste toutefois à franchir avant son adoption définitive : le texte doit encore être examiné par les députés. Cet examen devrait avoir lieu à la rentrée, la session extraordinaire du Parlement se clôturant aujourd’hui.

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Anne Bariet
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Mardi 8 juillet en soirée, la commission mixte paritaire (CMP) a trouvé un terrain d’entente sur le projet de loi transposant dans le code du travail les accords conclus entre patronat et syndicats sur l’emploi des seniors, les reconversions professionnelles et les élus du personnel.

Reconversions professionnelles

C’est le volet sur les transitions professionnelles qui a subi le plus de retouches. Le texte adopté porte les traces d’une intervention des organisations patronales et syndicales. Le 3 juillet, ces dernières – à l’exception de la CGT –  avaient adressé un courrier au Premier ministre François Bayrou. Leur message était sans ambiguïté : toute « remise en cause, même partielle » de leur accord constituerait « un contre-signal important » et contredirait les engagements répétés du chef du gouvernement concernant le respect des accords nationaux interprofessionnels.

« Cet accord est un fait trop important pour être minoré, ou que le résultat soit remis en cause », insistaient les signataires, manifestant une rare unanimité face aux tentatives parlementaires de modification de leur texte.

Cette mobilisation n’aura pas été vaine. Par rapport à la version adoptée à l’Assemblée nationale le 3 juillet, le texte de la commission mixte paritaire accorde une place plus importante à l’instance paritaire nationale, Certif’Pro, et donc aux partenaires sociaux, côté gouvernance. Cette structure, composée de représentants syndicaux et patronaux, voit, en effet, ses prérogatives élargies, selon l’article 12.

Au-delà de l’animation et de la coordination du réseau des commissions paritaires interprofessionnelles régionales, cette instance se voit confier la définition des orientations nationales en matière de financement des transitions professionnelles. Elle déterminera les règles, critères et priorités de prise en charge des projets, ainsi que la répartition des fonds entre les commissions régionales.

A ce titre, l’article L. 6123-5 du code du travail est enrichi pour leur donner davantage la main sur le financement des projets de transitions professionnelles, notamment en intégrant les fonds correspondant aux droits acquis au titre du compte personnel de formation.

Dans la pratique, le parcours du candidat à la reconversion reste inchangé : son projet est présenté à la commission paritaire interprofessionnelle régionale qui en apprécie la pertinence conformément aux orientations de l’instance nationale. Cette commission instruit la demande de prise en charge financière et autorise la réalisation du projet, sa décision devant être motivée et notifiée au salarié.

Pour encadrer ces missions, une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens sera conclue entre l’instance paritaire nationale et l’Etat. Ce document, qui sera rendu public lors de sa signature et de son renouvellement, précisera les modalités de financement, le cadre d’intervention et les objectifs attendus. Un décret viendra ultérieurement détailler le contenu, la périodicité et les modalités d’évaluation de cette convention.

Des assouplissements sur l’emploi des seniors

Le volet consacré aux salariés expérimentés a également fait l’objet de retouches. L’article 2 du projet de loi maintient l’obligation de négocier sur cette question au niveau des branches professionnelles et des entreprises d’au moins 300 salariés, mais la commission mixte paritaire est revenu au texte d’origine.

Les sénateurs avaient souhaité que la santé au travail et la prévention des risques professionnels d’une part, l’organisation et les conditions de travail d’autre part constituent des thèmes obligatoires de négociation. La CMP est revenu au texte d’origine, ces thèmes étant simplement facultatifs.

Concernant le contrat de valorisation de l’expérience, dispositif expérimental prévu pour cinq ans après la promulgation de la loi, les conditions d’éligibilité sont de nouveau celles prévues par le gouvernement (et entérinées par le Sénat). Ainsi, l’article 4 prévoit qu’il suffira de ne pas avoir été employé dans l’entreprise ou son groupe au cours des six mois précédents, contre deux ans dans la version des députés.

Les autres points tranchés

La CMP, à la lecture des deux versions parlementaires, a également décidé : 

  • que l’employeur ne pourra pas avoir accès aux données de santé à l’issue de la visite médicale de mi-carrière du salarié afin de préparer l’entretien de parcours professionnel (en commission des affaires sociales, les députés avaient envisagé que l’employeur n’ait pas accès à toutes les informations issues de la visite médicale de mi-carrière) ; 
  • qu’en cas de refus par l’employeur du passage d’un salarié en retraite progressive, les justifications liées aux conséquences de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service ainsi que des tensions de recrutement sur le poste ne seront pas exhaustives, la CMP ayant conservé l’adverbe « notamment »
  • enfin la CMP a avalisé l’introduction d’une partie de l’avenant finalisé par les partenaires sociaux sur le bonus-malus afin de lui donner la base légale nécessaire (le 1° de l’article L.5422-12 du code du travail est complété afin d’ajouter dans les motifs de fin de contrat exclus du calcul du taux de séparation d’une entreprise les licenciements pour inaptitude d’origine non professionnelle et les licenciements pour faute grave ou faute lourde). 
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Anne Bariet et Florence Mehrez
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Les députés et sénateurs sont parvenus, mardi 8 juillet, à un accord en commission mixte paritaire sur la transposition de trois accords sur l’emploi des seniors, les reconversions professionnelles et les élus du personnel. Le Sénat doit adopter définitivement le texte aujourd’hui.
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Pour rappel, seule la faute lourde commise à l’occasion de l’exercice du droit de grève peut justifier un licenciement ou une sanction disciplinaire du salarié gréviste (article L.2511-1 du code du travail ; arrêt du 16 décembre 1992). Le cas échéant, la charge de la preuve de la faute lourde incombe à l’employeur, rappelle ici la Cour de cassation.

L’employeur sanctionne des salariés grévistes ayant bloqué la porte d’entrée de l’entreprise

En l’espèce, un mouvement de grève a eu lieu au sein d’une entreprise. L’employeur reproche à plusieurs salariés grévistes d’avoir à cette occasion empêché un camion de sortir de l’usine en se mettant devant le portail et empêché les salariés non-grévistes de travailler. L’employeur les sanctionne par une mise à pied disciplinaire.

► L’entrave à la liberté du travail peut constituer une faute lourde (arrêt du 15 mai 2001 ; arrêt du 22 novembre 2023).

Les salariés, et le syndicat CGT ayant formé une intervention volontaire en cause d’appel, réclament notamment en justice l’annulation de ces mises à pied disciplinaires. Ce syndicat fait valoir que si certains salariés grévistes ont bien obstrué l’entrée principale du site, celui-ci dispose d’un second accès par lequel les camions auraient pu entrer et sortir et produit à ce titre une photo d’une vue en hauteur de la société.

La cour d’appel rejette leurs demandes. Elle estime que le syndicat ne rapporte pas la preuve que le second accès de l’entreprise était effectivement accessible et avait pu être utilisé par les salariés non-grévistes pour faire entrer et sortir les camions du site le jour de la grève.

Salariés et syndicat contestent l’arrêt d’appel. Pour eux, il incombait à l’employeur de rapporter la preuve que les salariés grévistes avaient commis une faute lourde à l’occasion de la grève en entravant la liberté du travail des autres salariés et en désorganisant l’entreprise.

Il revient à l’employeur de prouver que tous les accès à l’entreprise étaient bloqués

La Cour de cassation saisie du litige censure l’arrêt d’appel, au visa des articles L.1132-2, L.1134-1 et L.2511-1 du code du travail. Pour la Cour de cassation, il résulte de ces textes qu’un salarié gréviste ne peut être licencié ou sanctionné, à raison d’un fait commis au cours de la grève à laquelle il participe, que si ce fait est constitutif d’une faute lourde dont la preuve incombe à l’employeur.

Elle en déduit que, la cour d’appel ayant constaté que les sanctions avaient été prononcées en raison d’un fait commis au cours de la grève, il revenait à l’employeur de les justifier par une cause étrangère à l’exercice normal du droit de grève constitutive d’une faute lourde. L’employeur aurait donc dû démontrer l’inacessibilité totale au site entravant l’activité de l’entreprise. Ici, les juges du fond ont inversé la charge de la preuve, conclut la Cour de cassation.

► Il a déjà été jugé que le blocage d’un camion par des salariés grévistes ne justifie pas un licenciement pour faute lourde dès lors qu’il n’y a pas eu d’entrave au travail des salariés non-grévistes ou de désorganisation de l’entreprise (arrêt du 9 mai 2012). De même, si l’occupation des locaux d’une entreprise se déroule sans entrave à la liberté du travail, ni blocage de la porte d’entrée, la faute lourde ne peut pas être retenue contre les salariés grévistes (arrêt du 16 mai 1989).

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Farah Nassiri
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Lorsque l’employeur a sanctionné des salariés grévistes en raison du blocage de la porte d’entrée de l’entreprise, il lui appartient en cas de contentieux de démontrer l’inaccessibilité totale du site. Les salariés ou syndicat n’ont donc pas à prouver qu’il y avait d’autres accès possibles à l’entreprise.
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La branche des sociétés d’assurance vient de renouveler pour une période indéterminée son accord sur le télétravail, le 27 juin 2025. Conclu avec quatre organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC et Unsa), l’accord du 7 décembre 2021 était arrivé à échéance. L’accord concerne les 260 entreprises d’assurances adhérentes de France Assureurs et couvre environ 160 000 salariés.

L’accord contient plusieurs mesures concrètes :

  • au moment du passage en télétravail, une période d’adaptation de trois mois est aménagée afin que l’employeur et le salarié puissent se rétracter, sous réserve d’un délai de prévenance de 15 jours ;
  • en cas de refus d’accorder le télétravail, l’employeur doit motiver sa réponse dans les 30 jours ;
  • les entreprises peuvent augmenter le forfait télétravail exonéré de charges sociales jusqu’à 13 euros par mois pour un jour de télétravail par semaine, au lieu de 10 euros. 

Des formations peuvent être proposées aux managers afin de renforcer leurs pratiques managériales dans un contexte de travail à distance. Des formations peuvent également être proposées aux salariés : présentation du dispositif de télétravail applicable dans l’entreprise, conditions de réussite de ce mode d’organisation du travail, principes de fonctionnement d’équipe, utilisation des outils de communication à distance, déconnexion et respect de la vie privée, risques du télétravail (importance de l’ergonomie du poste de travail, troubles musculo-squelettiques, risques psychosociaux…), gestion du temps, sécurité des données, cybersécurité…

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Florence Mehrez
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Chronique

En période de transformation, les entreprises investissent massivement dans la technologie, les processus, le pilotage stratégique. Mais un élément essentiel est trop souvent relégué au second plan : l’humain, et en particulier, les talents déjà présents dans l’organisation. Or, c’est souvent dans ces ressources internes que se trouve la clé de voûte d’une transformation réussie. La mobilité interne n’est pas une simple pratique RH : c’est un levier de résilience, d’engagement et d’alignement stratégique.

La transformation d’une entreprise passe d’abord par la reconnaissance de ses propres forces vives. Et cela commence par un changement de regard : ne plus penser en termes de « besoins à pourvoir », mais de potentiels à révéler.

Transformation et mouvement : une équation naturelle

Quand une entreprise se transforme – qu’il s’agisse de digitalisation, d’évolution de son business model, d’intégration post-fusion ou de changement d’organisation – elle doit faire face à une instabilité temporaire. Les repères bougent, les rôles évoluent, les attentes managériales changent. Dans ces moments, la tentation est grande d’aller chercher des compétences toutes faites à l’extérieur.

Mais cette logique a ses limites. Elle peut envoyer un signal d’insécurité aux équipes en place : « ce que vous êtes ne suffit plus ». Elle peut générer un turnover inutile, et elle rate souvent sa cible : la transformation doit venir de l’intérieur, pour être comprise, appropriée, et durable.

C’est ici que la mobilité interne entre en jeu : non pas comme un simple outil RH, mais comme un moyen de réengager les collaborateurs dans le projet collectif.

Exemple concret : une PME industrielle en mutation numérique

Une PME industrielle de 300 salariés, a entamé un virage numérique ambitieux : automatisation de la production, digitalisation de la relation client, nouvelles compétences IT. La direction envisageait de recruter massivement à l’extérieur.

Autre chemin possible : cartographier les compétences internes non pas en fonction des postes, mais en fonction des appétences, capacités d’évolution et soft skills.

Résultat : parmi les opérateurs de ligne figurait une collaboratrice autodidacte passionnée par le code, qui formait déjà ses collègues à Excel avancé. Elle a été formée au développement d’outils métiers internes – et joue aujourd’hui un rôle clé dans la digitalisation du site.

Ce type de réussite n’est pas une exception : c’est souvent le fruit d’un regard neuf porté sur les talents en place.

Ce que permet vraiment la mobilité interne :

  • réduire les coûts de recrutement ;
  • recruter en externe est long, incertain, et coûteux. Miser sur des collaborateurs internes déjà acculturés, c’est gagner en agilité ;
  • sécuriser les parcours et fidéliser ;
  • proposer une mobilité, c’est envoyer un message fort : « Tu as ta place dans le futur de l’entreprise ». Dans un contexte de tension sur les talents, c’est une stratégie de fidélisation puissante ;
  • aligner les compétences sur les besoins futurs. La transformation implique souvent des rôles émergents ou hybrides. Qui mieux qu’un collaborateur déjà en poste, formé et accompagné, peut les occuper avec efficacité ?
  • faire vivre la culture d’entreprise dans le changement. Un nouveau collaborateur mettra du temps à s’approprier la culture. Un salarié mobile incarne déjà les valeurs et les codes de l’entreprise, et peut en devenir un ambassadeur du changement.
Les freins à lever pour activer la mobilité interne

La mobilité interne est encore trop souvent perçue comme un plan B ou un parcours du combattant. Pour la rendre pleinement stratégique, il faut lever plusieurs verrous :

  • le cloisonnement organisationnel : les silos empêchent de voir les talents au-delà du périmètre d’un service ;
  • le manque de transparence sur les opportunités : sans visibilité, les collaborateurs ne peuvent pas se projeter ;
  • des managers frileux à « lâcher » leurs talents : la culture du talent partagé doit se construire collectivement ;
  • l’absence d’outils de cartographie dynamique des compétences : ce pilotage est encore trop rare dans les PME et ETI.

Concrètement, plusieurs étapes sont nécessaires pour poser les bases d’une politique de mobilité active et structurée : définition de critères d’éligibilité, mise en place de comités de mobilité, accompagnement RH, formations, coaching, mais aussi narration interne pour valoriser les parcours.

Mobilité et transformation : un binôme indissociable

La transformation n’est plus un état d’exception : elle est devenue la norme. Dès lors, la mobilité ne peut plus être un dispositif accessoire. Elle devient un outil d’adaptation continue, un facteur de résilience organisationnelle, et un levier d’engagement durable.

Dans une économie où les compétences techniques évoluent vite, c’est la capacité à apprendre, à évoluer, à oser qui fait la différence. Et cette capacité, les entreprises la trouvent d’abord chez celles et ceux qui les connaissent déjà de l’intérieur.

Conclusion : transformer avec et non contre son capital humain

Plutôt que de considérer la transformation comme un moment de rupture, considérons-la comme une opportunité de faire éclore des potentiels inexploités. La mobilité interne n’est pas un luxe ou une contrainte, mais une réponse stratégique à la complexité du monde du travail.

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Geoffrey Fournier, Victoriam RH
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Dans cette chronique, Geoffrey Fournier, président-fondateur du cabinet de conseil Victoriam RH, invite les DRH à reconsidérer leur approche de la mobilité interne. Loin d’être un plan B, cet outil constitue, selon lui, un levier stratégique pour favoriser l’engagement des salariés et consolider l’adhésion au projet d’entreprise.
Profile Chroniqueur: 
Geoffrey Fournier
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